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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/944

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qui dispose annuellement d’un fonds de 500,000 francs pour le boisement des dunes (chap. XV du budget ordinaire), n’a jamais songé à fixer celles-ci : elle tarirait pourtant ainsi l’un des courans de sable qui perdent l’attérage de la Somme, et les travaux de même nature quelle fait ailleurs ne répondent à aucun intérêt maritime de cet ordre.

Mais, en présence des attérissemens intérieurs qui s’avancent, ce n’est point assez, pour conserver la baie à la navigation, que d’arrêter les sables que lui jettent les dunes voisines. Il est un moyen plus efficace que l’avocat Linguet indiquait dès 1769[1], qui n’échappait point aux ingénieurs des ponts-et-chaussées qui se sont occupés du Crotoy[2], et dont l’efficacité ressort clairement des excellentes observations faites sur cette côte par les ingénieurs hydrographes de la marine[3].

Le comte d’Artois, depuis Charles X, ayant voulu, en 1783, faire remonter les navires jusqu’à la forêt de Crécy, dont il était apanagiste, traita avec trois communes voisines pour l’ouverture, au travers des marais de Favières, d’un canal navigable aboutissant au Crotoy. Ce qu’avait de grand ce projet fut bientôt abandonné ; on s’en tint, par suite d’une transaction faite en 1787, à de simples travaux de desséchement, qui, délaissés pendant la révolution, ont été repris et complétés de 1818 à 1821. L’émissaire des marais, large de six mètres, débouche dans la crique parfaitement abritée qu’on décore du nom de port du Crotoy. Ce courant y a créé et y maintient un fond excellent, où se retirent les bateaux de pêche et les petits bâtimens du commerce : s’il se tarissait, le port serait en quelques jours, et peut-être en une seule marée, reconquis par les sables. Le pays marécageux et bas qui s’étend au nord du Crotoy, entre la Somme et l’Authie, comprend 10,500 hectares, et déverse en pure perte dans les baies de ces deux rivières trois fois autant d’eau qu’en débite le canal de Favières. Il est facile de réunir toutes ces eaux et de leur donner une issue commune au Crotoy ; il ne l’est pas moins d’y conduire aussi celles de l’Authie elle-même, dont le bassin a près de 100,000 hectares, et cette entreprise ne serait peut-être que le rétablissement d’un ancien état de choses, car on voit sur d’anciens plans l’indication de longues flaques d’eau se dirigeant sur Rue et qualifiées de lit abandonné de l’Authie. Ces résultats s’obtiendraient par l’ouverture d’un canal de 14,000 mètres, partant de l’Authie et finissant au Crotoy.

Je m’abuse beaucoup, ou la mesure de l’action qu’exercerait sur l’embouchure de la Somme l’affluence de cette masse d’eau peut être déduite, avec une grande précision, de trois circonstances qu’il suffira d’indiquer ici. La première est l’effet du petit canal des marais de

  1. Canaux navigables. Amsterdam, 1769.
  2. Statistique des ports de commerce. I. R., 1837.
  3. Instructions nautiques sur les côtes septentrionales de France. I.