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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/116

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seur de l’église romaine qu’ait vu notre siècle, qui lui a montré dans les fureurs de la révolution le triomphe même du catholicisme, et qui lui a fait porter sur la France le jugement le plus étroit et en même temps le plus profond qui ait jamais été porté sur elle.

Nous avons maintenant trouvé le mot qui convient au génie de la France. La nation française est la nation idéaliste par excellence, celle dont les expériences et les révolutions ont eu le but le plus idéal, celle dont toute l’histoire trahit le mieux cette constante et glorieuse préoccupation. Essayons de retrouver, à l’aide de son histoire, les principaux caractères de ce peuple si mobile en apparence, si fidèle à lui-même au fond, extérieurement si sceptique, intérieurement si passionné, qu’on a toujours voulu faire passer pour épris de la réalité, et qui n’a jamais aimé que l’idéal, sous quelque forme qu’il se présentât, église, monarchie ou révolution.

Je demande pardon d’avance pour la singularité des assertions que je vais émettre, et je me résigne à subir l’accusation de paradoxe. Les Français passent pour le plus irréligieux des peuples ; mais leur histoire, lue avec attention, prouve, à chacune de ses pages, qu’ils sont un peuple essentiellement théocratique et théosophique. Ils l’ont été dès l’origine, et aujourd’hui encore, en plein règne de l’athéisme de la loi, il leur reste assez de cet esprit pour donner courage et espoir aux défenseurs de l’antique religion nationale. Je ne crois pas qu’il faille attacher aux instincts celtiques et aux croyances druidiques toute l’importance que certains historiens ont cru devoir récemment leur attribuer ; toutefois notre primitive histoire offre un fait très frappant : c’est le contraste que, sous le rapport de la religion, les Celtes présentent avec les autres Barbares. La religion des Germains n’est pour ainsi dire qu’une expression superstitieuse des profonds instincts de race. C’est un effort obscur et incohérent de l’esprit pour expliquer les forces naturelles, une philosophie rudimentaire. Rien n’y dépasse l’horizon de l’homme et de la nature : aucun pressentiment de ce qui constitue essentiellement la religion, c’est-à-dire la croyance à un monde surnaturel, ne s’y laisse apercevoir. Le culte de Tentâtes et de Hertha est une philosophie naturelle à l’état grossier. La religion d’Odin est une divinisation de la vie de combat chère aux Scandinaves. Un principe purement humain, recouvert d’une enveloppe religieuse, domine ces vieux cultes barbares et ces vieilles légendes runiques, qui n’offrent, de quelque côté qu’on les considère, que des symboles de la matière animée, des emblèmes de la force, des apologies de la vaillance et du combat. Sous ce vieux paganisme, on distingue très nettement le germe de ce grand système, conception essentiellement propre à l’esprit germanique, qui, sous diverses formes, s’est développé et précisé de siècle en siècle,