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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/19

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Un des plus intéressans épisodes de la dernière fête a été certainement l’offre aux étudians norvégiens d’une bannière brodée pour eux par les dames d’Upsal. Il faut avoir quelque connaissance de ces beaux pays pour comprendre quels charmes leur nature si originale peut mêler aux fêtes patriotiques de la jeunesse. Upsal, assise aux bords de la petite rivière du Fyris, est dominée sur la rive droite par une colline verdoyante au haut de laquelle sont situés le château et la bibliothèque, à quelque distance de la cathédrale et de la célèbre université; tout autour s’étendent d’admirables promenades, bosquets et charmilles, que les sapins encadrent et qu’embaument aux chaudes soirées d’été les parfums pénétrans du Nord. En juin, comme on sait, l’extrême Nord ne connaît pas la nuit. A la hauteur de Stockholm et d’Upsal, pendant une semaine environ, la nuit est remplacée par une lueur mystérieuse qui inspire à l’étranger l’incertitude et une sorte de terreur. Ce sont bien les nuits d’acier dont parle la reine Christine, c’est l’éclat métallique d’un ciel opaque et terne, où l’on sent le froid du matin toujours présent sous le pâle reflet d’un soleil caché. Par une telle nuit, à une heure du matin, les trois paquebots à vapeur amenant les étudians de Lund, ceux de Copenhague et ceux de Christiania, entrent dans les eaux du Fyris et s’arrêtent devant les quais d’Upsal. Malgré l’heure avancée, toute la petite ville est en émoi. Les étudians d’Upsal, aux casquettes blanches, sont rangés sur le rivage, chaque nation universitaire avec sa bannière en tête; au chant national suédois, qu’a entonné le chœur des nouveaux venus, se mêlent les fleurs jetées à leur rencontre et de cordiales embrassades; ce ne sont pas seulement les membres d’une famille commune, ce sont d’anciens hôtes qu’on reconnaît et qu’on aime. Voici le Danois, spirituel et brave; de quel cœur on eût fait avec lui la campagne des duchés contre les Allemands! Voici le Norvégien, fier et loyal; il semble porter inscrite au front la beauté majestueuse de son incomparable pays. En tête de chaque troupe s’avancent des chefs respectés, des professeurs que leur science a rendus célèbres. Ce n’est pas un Rütli où se trame quelque conspiration; l’idée de la liberté et le sentiment du patriotisme planent cependant au milieu des airs. On monte au bois d’Odin, sur la hauteur voisine, où les strophes suivantes, chantées par les étudians de Lund et d’Upsal, saluent Norvégiens et Danois :


« ... Fils de l’extrême Nord, assemblés ici au plus haut point du globe terrestre, sans autre frontière que l’Océan, sans autres voisins que les neiges éternelles, prions. Disparaissez de nos annales, sanglans souvenirs! Voici qu’approche un temps de concorde et de paix !

« L’arbre scandinave, de ses rameaux verdoyans, enveloppe Dana, Nore et Svea. Sa couronne est partagée, il est vrai, mais son tronc reste vert et