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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/219

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principe de la reconstitution des provinces du Danube, en reconnaissant aux populations roumaines le droit de faire entendre leurs vœux. Cette promesse commence à se réaliser aujourd’hui après une année, et elle se réalise au milieu de toutes les agitations d’une crise électorale. C’est le moment en effet où vont être élus les divans appelés à être les organes des besoins et des intérêts de ces populations. Le combat est déjà commencé, et il se livre, on peut le dire, autour d’une seule idée, celle de la réunion des deux provinces. Si l’on consulte le sentiment intime des populations roumaines, cet instinct de nationalité qui ne trompe pas, il n’est point douteux que la masse du pays est favorable à la fusion des deux provinces. Un comité électoral s’est formé à Jassy ; il a publié un programme, et les points les plus saillans de ce programme sont l’union des principautés, la création d’un pouvoir héréditaire, l’établissement d’une seule assemblée générale législative, représentant les intérêts de toute la nation. Partout la même pensée s’est manifestée sous des formes diverses, et il est au moins bien clair que l’opinion favorable à l’union des deux principautés est très puissante ; elle a même gagné du terrain dans ces derniers temps. Or c’est justement ce progrès qui a irrité toutes les passions hostiles, intéressées à empêcher l’expression d’un vœu dans ce sens. Le gouvernement lui-même en Moldavie s’est mis à l’œuvre pour diriger les élections selonises vues. Le dernier caïmacan de la Moldavie, M. Balche, qui est moi-t il y a quelque temps, était déjà entré dans cette voie ; son successeur, M. Vogoridès, marche plus hardiment encore à son but. Toute manifestation favorable à l’union a été interdite ; les préfets ont reçu l’ordre de disperser par la force les comités qui s’étaient organisés pour les élections. Les arrestations se sont succédé, des violences ont été exercées contre les personnes les plus paisibles ; non-seulement la censure a été rétablie, mais même les journaux qui se sont faits les défenseurs des idées d’union n’ont pu continuer à paraître en se soumettant aux prescriptions de cette censure. Le gouvernement moldave a trouvé du reste le moyen de perfectionner encore ce système de liberté ! En même temps qu’il réduit ses adversaires au silence, il répand de son côté des publications, accusant ceux qui ne peuvent lui répondre de ne prêcher l’union que pour introduire le socialisme en Moldavie et remplacer la religion grecque par le catholicisme. Le socialisme a été employé à bien des usages ; il lui était réservé encore, à ce qu’il paraît, de se trouver mêlé à l’idée d’une reconstitution nationale des principautés. Que les violences exercées par M. Vogoridès aient pu avoir tout d’abord un certain succès, cela n’a rien de surprenant : il agissait seul dans l’omnipotence de ses caprices ; mais aujourd’hui les membres de la commission européenne des principautés sont arrivés sur le Danube. L’envoyé français, M. de Talleyrand, a été reçu avec de vives acclamations à Bucharest. C’est sous les yeux des représentans de l’Europe désormais que les élections vont se faire, et, s’ils ne peuvent encore tout empêcher, ils assureront un peu mieux du moins une liberté qui jusqu’ici a été dans les firmans turcs bien plus que dans la réalité.

Est-il dans les affaires intérieures de la France des incidens de nature à rappeler les regards et à distraire l’attention de ces questions diplomatiques ou du spectacle des autres pays ? Non, le corps législatif poursuit ses travaux silencieux, touchant déjà au terme d’une session qui est la dernière de