Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la célérité d’information, à prendre un journal de la ville que l’on habite, quelle qu’elle soit, de préférence aux journaux de Boston, New-York ou Philadelphie. Ceux-ci en effet, tout en coûtant 20 ou 25 pour 100 plus cher, sont nécessairement en retard sur les feuilles locales, qui se font expédier par le télégraphe les nouvelles importantes, les cours des fonds publics et les mouvemens des marchés. Pour la majorité des habitans, les affaires locales ont d’ailleurs plus d’intérêt et d’importance que les nouvelles du dehors, et même que la politique fédérale. La meilleure preuve qu’on en puisse donner, c’est qu’il n’y a pas un seul journal qui n’accorde plus d’attention et plus de place aux débats de la législature de l’état qu’aux discussions du congrès. Les journaux de Washington sont les seuls qui publient régulièrement et in extenso les débats du congrès : les journaux des autres villes se contentent d’une analyse qui leur est envoyée par le télégraphe, et qui, dans les occasions les plus graves, ne dépasse guère une colonne. Seulement, quand il s’agit d’une de ces questions brûlantes qui ont le privilège de remuer l’opinion, ils manquent rarement de reproduire, d’après les feuilles de Washington, les discours des hommes considérables.

On doit comprendre maintenant que si, aux États-Unis, aucun journal n’a pu prendre le rôle ni acquérir l’importance des grands journaux européens, cela tient surtout aux conditions toutes spéciales dans lesquelles la presse américaine se trouve placée. Joignez-y une concurrence rendue très active par l’absence de toute entrave législative et de tout impôt, et la facilité de fonder un journal sans une avance de fonds considérable. New-York, qui, avec ses faubourgs et Brooklyn, présente une agglomération de 700,000 âmes, compte quinze journaux quotidiens, c’est-à-dire autant que Paris et Londres. Ces quinze journaux distribuent 130,000 feuilles par jour : six journaux à un et deux cents entrent pour les deux tiers dans ce chiffre ; ce qui ne permet pas d’élever au-dessus de quatre ou cinq mille le tirage moyen des meilleurs journaux de New-York. Boston, avec 140,000 âmes, compte douze journaux quotidiens ; Philadelphie, avec 340,000, en compte dix, et Baltimore six, avec 170,000. On peut évaluer à 15,000 numéros le tirage maximum des deux principaux journaux de Philadelphie ; aucun journal de Boston n’a une vente supérieure à 10,000 exemplaires. Dans les états du sud, où la population est beaucoup moins dense, et où elle est pour moitié dans les liens de l’esclavage, les journaux sont à la fois beaucoup moins nombreux et beaucoup moins répandus qu’au nord. En somme, au témoignage de M. Horace Greeley, directeur de l’un des principaux journaux de New-York, on ne saurait évaluer au-delà d’un million de feuilles par jour le tirage total des deux cent cinquante journaux