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lemands, et nous les forcerons à reconnaître la domination danoise. » Les Danois éclairés ne l’espéraient pas; ils acceptèrent tristement la légalité qu’on leur imposait, et ils attendirent que les embarras et les complications de la pratique vinssent malheureusement justifier leurs prévisions. Ces complications ne tardèrent pas à se montrer; ce sont elles qui font aujourd’hui des affaires intérieures du Danemark et de ses rapports extérieurs le plus obscur et le plus dangereux chaos. Pour un petit pays de trois millions d’habitans, c’est trop en vérité de contenir, en présence l’une de l’autre, deux nationalités ennemies, comme la scandinave et la germanique, et deux sortes de gouvernement, l’absolutisme et les institutions libres. A une machine bien faite, une seule roue maîtresse, qui contient et règle par son mouvement bien ordonné toutes les autres, suffit d’ordinaire; mais la machine du Helstat, au lieu d’une roue principale, en a sept, sept assemblées et sept constitutions! Parmi les ministres qui entourent le roi, il y en a qui ne s’occupent que des duchés et qui par conséquent sont irresponsables et absolus; il y en a qui gouvernent le Danemark proprement dit, et qui sont alors constitutionnels; il y en a qui sont à la fois, par leur administration quand elle pénètre dans le Danemark proprement dit, responsables envers les chambres de Copenhague, et, par une autre face de leurs attributions, représentans d’un roi absolu, n’ayant, envers leurs administrés, aucun compte à rendre.

Nous avons trop souvent dépeint la confusion administrative et permanente que le Helstat a imposée jusqu’à présent au Danemark pour que nous ayons besoin d’y insister encore. Les conséquences politiques de ce système nous intéressent seules aujourd’hui : elles méritent d’être signalées.

Quelle a été la conduite du cabinet danois pendant la guerre d’Orient? Après avoir proclamé de concert avec la Suède et la Norvège sa neutralité, cédant alors sans aucun doute à l’entraînement de la confraternité scandinave, nous l’avons vu, retenu par d’autres attaches, se refuser à partager l’alliance occidentale acceptée par les deux nations voisines, et s’abstenir de signer le traité du 21 novembre 1855. Bien plus, au moment où les mauvaises dispositions de l’Allemagne se faisaient le plus vivement sentir, le roi de Danemark se voyait singulièrement partagé, inclinant vers la France et l’Angleterre avec le reste des peuples scandinaves et comme souverain scandinave lui-même, mais entraîné vers la Russie avec l’Allemagne comme duc de Holstein et de Lauenbourg et comme membre de la confédération germanique. Que fût-il arrivé, si la diète eût fait alliance avec la Russie? Le roi-duc eût été obligé d’envoyer son contingent à l’armée allemande, tandis que la nation danoise se déci-