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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/401

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rences qui pourraient la faire soupçonner; il sait que les obligations de sa charge ne lui permettent de connaître ni amis, ni ennemis, et la libre poursuite que chaque citoyen auquel il aurait donné droit de plainte peut intenter contre lui pour le faire condamner soit à l’amende, soit à l’emprisonnement, achève de garantir l’accomplissement de tous ses devoirs. Aussi la journée de la nomination ou celle de la déclaration ne se termine-t-elle jamais sans lui valoir les remerciement publics de tous les candidats, auxquels se joignent ceux de l’assemblée, et il ne s’expose pas à ce qu’une pareille récompense puisse lui manquer. Pour rappeler une expression heureusement échappée à l’un des shériffs de Londres et accueillie par l’hilarité de la foule, c’est là un toast d’honneur qui a son prix pour ceux qui le reçoivent,

Il ne faut donc pas chercher dans l’intervention de l’officier électoral, qu’il soit le shériff nommé par la couronne ou le maire choisi par les conseils électifs des villes, l’intervention d’un agent du gouvernement, qui représente ses vues et ses intérêts, sinon ses passions, et qui soit chargé de faire accepter ou même d’imposer au pays l’opinion d’un ministère ou d’un parti : ce n’est pas à l’Angleterre qu’il faut demander la pratique, même adoucie, d’un tel système. Le gouvernement n’a pas et n’a pas besoin d’avoir à son service un corps de fonctionnaires destinés à prendre le rôle des citoyens et à assurer le succès de telle ou telle politique. Les fonctionnaires du gouvernement, quels qu’ils soient, loin d’être appelés à lui venir en aide, sont au contraire tenus à l’écart sous peine de poursuites de chaque partie intéressée, et, pour mieux marquer combien ils doivent rester étrangers à toute élection, la loi électorale refuse tout droit de vote à un grand nombre d’entre eux : tels sont, par exemple, les magistrats et officiers de police, et en général les collecteurs d’impôts[1]. Toutes les précautions sont prises pour prévenir, de la part du pouvoir, la moindre atteinte à l’indépendance des électeurs, et pour ne donner prétexte à aucune crainte, les soldats, dans un rayon de deux milles du lieu de l’assemblée, doivent se tenir renfermés, pendant toute la durée de l’élection, dans leurs casernes et quartiers[2], à moins que l’officier préposé à l’élection n’ait à faire appel à la force militaire pour le rétablissement de l’ordre.

Le gouvernement considère l’élection comme une affaire privée entre le candidat et les électeurs. Aussi n’y a-t-il pas jusqu’aux dépenses de l’élection auxquelles il ne reste étranger, et jamais on ne les porte au compte du budget de l’état. Les honoraires dus aux adjoints de l’officier préposé à l’élection, aux clercs qui inscrivent les

  1. L’autorité prépondérante que pourrait exercer un pair lui a également fait refuser le droit de voter.
  2. Il n’y a d’exception que pour les troupes employées à la garde de la reine, ou pour les postes de service à la banque d’Angleterre.