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que l’état de Guatemala occupe sur le Pacifique, n’offrent pas le moindre abri où puissent se réfugier les navires. Partout le rivage y prolonge à perte de vue son inflexible ligne droite, et partout le dangereux ressac, connu sous le nom de tasca ou barre, rend impossibles les communications régulières du bord avec la terre. En cet état de choses, le choix du lieu où la république établirait un port était assez indifférent. Les premiers conquérans l’avaient placé à Istapa, et on l’y conservait, parce que c’est le point le plus rapproché de la capitale. Au 1er janvier 1854, le gouvernement, je ne sais pourquoi, l’a transporté à quelques lieues plus à l’ouest, à San-José. Cette opération, qui en France paraîtrait compliquée, est sur les côtes de Guatemala la chose du monde la plus sommaire : un décret à signer, quelques bâtimens de douane à construire, et tout est dit.

Nous passâmes devant l’établissement déshérité d’Istapa, que nous aperçûmes tristement perché sur le haut d’une falaise, et bientôt un pavillon flottant sur une case isolée, seul indice qui pût nous guider, nous annonça San-José. A l’horizon, la chaîne de volcans allongeait ses lignes imposantes, mais la plaine est basse et marécageuse. Le seul navire qu’on vît là était un triste pronostic de l’avenir du nouveau port : l’Euscalduna, beau trois-mâts neuf de Bordeaux, s’était, peu de jours auparavant, jeté à la côte, et le choc incessant et destructeur de la lame le déchirait peu à peu. Après le coucher du soleil, un immense voile de vapeurs condensées s’éleva au-dessus des terres, semblable à ces brouillards nocturnes que nos colons des Antilles appellent le drap mortuaire des savanes; puis la nuit vint, nous laissant tristement frappés du contraste de cette nature désolée avec la riante campagne de Sonsonate; le grondement monotone de la mer déferlant sur la grève se fit seul entendre dans ce port silencieux et désert. Le commerce de la république achemine les trois quarts de ses produits vers l’Atlantique, et c’est de l’Atlantique qu’il reçoit ses importations. Le capitaine de port de San-José me dit, il est vrai, qu’à peu de distance se trouvait un vaste étang, facile à creuser et à transformer en un havre intérieur; mais ce havre ne ferait pas disparaître l’insécurité d’un mouillage où les navires ne se hasardent que pendant quelques mois de l’année; la difficulté serait d’y entrer, c’est-à-dire de passer la barre; il faudrait des travaux coûteux, auxquels on ne peut songer de longtemps.

En résumé, la distribution des ports sur cette côte n’est pas en rapport avec l’importance relative des divers états. Le Guatemala manque de ports à vrai dire, et c’est aux trois républiques les plus faibles du pays qu’appartient le point unique où peut se concentrer par la suite le mouvement commercial, à savoir l’admirable baie d’Amapala. On peut donc prévoir que les développemens futurs du commerce modifieront les rangs respectifs des cinq états.