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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/488

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teinte profonde a été portée aux principes qui, pendant tant de siècles, avaient fait la force de la société chinoise, et cette atteinte, jointe à l’inévitable détérioration qui, pour avoir été plus longtemps différée, ne frappe que plus sûrement les œuvres des hommes, a déterminé la crise intérieure à laquelle l’empire est en proie aujourd’hui.

Un des plus récens et des plus profonds observateurs qui ont étudié la Chine, M. Meadows, réduit à trois axiomes politiques les principes constitutifs de cette vieille société :

« 1o La nation doit être gouvernée par les moyens moraux, de préférence à la force physique ;

« 2o Les services des hommes les plus sages et les plus capables de la nation sont indispensables à son bon gouvernement ;

« 3o Le peuple a le droit de déposer le souverain qui, soit par son activité perverse, soit par sa vicieuse indolence, donne lieu à une oppression tyrannique. »

On comprend que, dans son isolement entre ses hautes montagnes et la mer, l’empire chinois ait pu, pendant une longue suite de siècles, prospérer par la pratique fidèle et régulière de ces maximes, déposées dans son berceau ; mais le premier de ces principes, si moral, si sage, qui subordonne la force à la raison, corrompu par la perversité de notre nature, a pu aisément donner aux Chinois ce caractère rusé et perfide que tout le monde s’accorde à leur reprocher. Il excluait en outre le culte des vertus guerrières, et devait rendre les Chinois inférieurs dans cet art des combats qui décide si souvent de la destinée des nations. C’est un fait écrit à toutes les pages de leur histoire.

Pour réaliser la seconde des maximes fondamentales de leur ordre social, le dépôt de toute l’autorité publique entre les mains des plus dignes, les Chinois n’avaient rien imaginé de plus efficace et de plus sûr que de pratiquer sur une échelle immense le système du concours public, le système des examens, qui à cette heure nous donne en France non-seulement des bacheliers et des docteurs, mais nos meilleurs ingénieurs, nos officiers les plus braves et les plus capables. Mais en Chine les examens portaient à la fois sur toutes les branches de savoir nécessaires au gouvernement des hommes, religion, histoire, littérature, art de l’ingénieur, l’art militaire seul excepté, et les élus de ces examens, en recevant les insignes de bacheliers, de licenciés et de docteurs, recevaient le droit de monter de degré en degré jusqu’aux plus hautes fonctions de l’état, prix réservé exclusivement à la supériorité de la capacité et du savoir. Chez un peuple ami de la paix, ce système, loyalement mis en pratique, a dû assurer à la Chine le bienfait d’un gouvernement sage et régu-