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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/501

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de leurs mains; mais autour de Canton, dans ces provinces toujours les moins soumises de l’empire, l’insurrection soutient contre les mandarins une lutte continuelle, et l’on n’entend parler que des châtimens effroyables ordonnés contre les rebelles, ou ceux qui sont censés l’être, par les dépositaires de l’autorité impériale. Ces châtimens ne sont rien moins que des massacres, dans lesquels innocens et coupables sont confondus, quelquefois à dessein par cupidité et par vengeance, quelquefois par simple insouciance.

Les pauvres Chinois catholiques ne pouvaient manquer d’être enveloppés dans ces sanglantes exécutions. Le nom du Christ, invoqué n’importe à quel titre par les insurgés, devait être un grief contre ses serviteurs les plus inoffensifs et les plus paisibles. C’était en outre dans les sociétés secrètes, ainsi que nous l’avons dit, que s’était recrutée principalement l’insurrection, et aux yeux d’un pouvoir aussi ombrageux que peu clairvoyant, il était assez naturel que les petites chrétientés, forcées de se cacher afin d’échapper à la persécution, passassent pour des associations clandestines formées contre la sûreté de l’empire. Il faut se rappeler enfin que Hung-tze-tzuen, avant de jouer son rôle d’inspiré et de chef révolutionnaire, avait été le disciple des missionnaires protestans. C’en était assez pour que tout missionnaire européen, quel qu’il fût, devînt suspect de favoriser l’insurrection. On comprend que la justice des mandarins n’ait été ni assez consciencieuse, ni assez éclairée pour distinguer entre l’envoyé des sociétés bibliques, toujours soigneux d’exercer son ministère à portée des canons anglais comme à portée des biens de ce monde, et le missionnaire catholique, qui, sans autre protection que celle d’en haut, va chercher ses pauvres ouailles dispersées sur toute la surface de l’empire, pour leur porter les lumières et les consolations de la foi. Ce qui semble hors de doute, c’est qu’on doit attribuer à ces circonstances la mort de M. Chappedelaine, décapité au mois de février de l’année dernière au Kouang-sé, dans cette province qui fut, il y a six ans, le berceau de l’insurrection. Disons ici en passant que cette exécution est une infraction éclatante aux édits obtenus par M. de Lagrené en 1845, et qu’elle est un des motifs qui obligent aujourd’hui la France d’intervenir dans les événemens dont la Chine va être le théâtre.

On a voulu, dans cette première partie, rassembler les traits principaux qui peuvent faire connaître l’état présent de l’empire chinois. Depuis six ans, cet empire est agité par une insurrection, qui, arrêtée dans ses progrès, n’en reste pas moins menaçante et continue de siéger en maîtresse dans l’ancienne capitale des dynasties chinoises. Malgré l’étrange nouveauté de ses doctrines religieuses, malgré la témérité de ses doctrines politiques, suspectes de communisme et