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nus un air plus altier et plus résolu : elle regarde en haut. Le nouveau propriétaire prit possession du palais impérial aussi ignoblement qu’il avait acquis l’empire. Avec un empressement de parvenu, il se fit servir le repas préparé pour Pertinax, dont le cadavre décapité n’avait pas encore été enlevé, trouva le souper mauvais, en demanda un meilleur, puis, après avoir mangé gloutonnement, joua aux dés et fit danser le pantomime Pylade.

L’opération commerciale de Didius Julianus, qui semblait bonne, ne l’était point. L’acheteur paraît avoir éprouvé des difficultés pour ses paiemens, ce qui donna de l’humeur à ses créanciers. Quand Didianus Julius était venu sur le mur du camp offrir aux prétoriens un bon prix de leur marchandise, ils l’avaient proclamé empereur ; mais quand il voulut les faire rentrer dans ce même camp et leur en faire fortifier les tours, ils se révoltèrent : car, et ceci montre encore ce qu’était devenue la valeur romaine par l’énervement de l’empire, « les soldats, dit Spartien, se livraient très à contre-cœur aux exercices militaires, et chacun d’eux, dans les travaux qui lui étaient prescrits, se faisait remplacer en payant. »

Quand Didius Julianus eut acquitté de sa dette tout ce qu’il pouvait solder, les prétoriens, n’ayant plus rien à en tirer, l’égorgèrent. Deux concurrens, outre Septime-Sévère, s’étaient mis sur les rangs pour le remplacer. Par un hasard singulier, l’un s’appelait le noir, Percennius Niger, et l’autre le blanc, Clodius Albinus. Noir ou blanc, pile ou face, c’était le jeu des armées romaines. Chacune avait son prétendant, et jetait son dé pour voir lequel tomberait le premier. Le coup fut nul pour les deux armées ; une troisième, qui portait Sévère, gagna la partie.

Après avoir considéré les portraits rares, souvent peu certains et sans caractère nettement tranché, des rivaux insignifians de Septime-Sévère, on s’arrête avec plus d’intérêt devant ceux de cet empereur. Ils sont authentiques, nombreux, et comme lui bien caractérisés. Sévère était Africain et garda toujours l’accent de son pays. Il y a en effet de l’Africain dans ses traits : son nez est assez ouvert et un peu écrasé, sa chevelure est formée de petites boucles qui semblent disposées de manière à déguiser des cheveux crépus. Après des empereurs espagnols et gaulois, Rome avait un empereur quarteron. Septime-Sévère se montra ce que sont souvent les hommes de sang mêlé, intelligent et perfide, courageux et cruel.

Il était perfide, car il adressa à Clodius Albinus une lettre tout affectueuse, dans laquelle il lui offrait de partager l’empire, mais ceux qui étaient chargés de cette bienveillante missive avaient ordre de poignarder Albinus ; il était cruel, naturâ sœvus, dit Eutrope, car il fit mettre à mort beaucoup d’hommes sous des prétextes fort