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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/583

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cheval, il fut frappé par un meurtrier subalterne, agent obscur du préfet du prétoire Macrin. La circonstance dans laquelle Caracalla reçut le coup mortel donne à sa fin quelque chose de honteux et de ridicule. Une telle mort couronne convenablement une abjecte et absurde vie. Son cadavre fut porté la nuit dans le sépulcre de ces Antonins dont il avait profané le nom, c’est-à-dire dans le mausolée d’Adrien, qui était aussi le leur, et que la cendre de Commode avait déjà déshonoré.

Macrin, qui avait fait tuer Caracalla, lui succéda. Meurtrier hypocrite, il feignit de le pleurer, l’appela divin, et jura qu’il avait été étranger à sa mort. Ainsi, dit Capitolin, « il ajouta le parjure à son crime, digne commencement d’un homme tel que lui. » Macrin était de basse condition, il avait vécu honteusement par toute sorte de moyens. Pour ne parler que des professions qu’on peut nommer en français, tour à tour histrion, gladiateur, tabellion, avocat du fisc, attaché à la domesticité du palais sous Caracalla, la bassesse de ses emplois était moindre que celle de son cœur. Ignoble, sordide, débouté, — ce sont les expressions de Capitolin, — tout cela se peignait sur sa figure impudente comme son caractère, animi atque oris inverecundi. Son nez pointu, son front renflé et plissé au-dessus des sourcils, lui donnent l’air de ce qu’il était réellement, un coquin vulgaire et rusé. Devenu empereur, il eut le désir de valoir mieux que par le passé. Comme Galba, il montra des velléités d’énergie et la prétention de rétablir la discipline, mais il était encore moins que Galba digne de la réformer. Sa rigueur fut de la férocité. Il mérita qu’on appelât le palais impérial une boucherie. Macrin admettait des littérateurs à sa table, mais c’était pour que leur conversation mît une borne à son intempérance : singulier hommage aux lettres! Son règne éphémère peut se résumer tout entier dans cette phrase de son historien : « l’empire fut laissé quelque temps à cet homme, qui avait tous les vices. »

Ce procureur fourbe et méchant, Macrin n’était pas autre chose, fut accablé d’épigrammes, auxquelles il répondait par des vers de sa façon. Macrin périt bientôt ridicule et détesté, avec son fils Diadumène, dont la beauté est célébrée par les historiens. Le peuple, qui a toujours besoin de s’attacher à quelqu’un, avait adopté Diadumène. Ce nom faisait, dit-on, allusion à une circonstance de sa naissance, celle qui a donné lieu à cette locution populaire : il est né coiffé; mais l’oracle fut trompeur, car on le tua avec son père. Ses portraits ne me paraissent pas justifier sa réputation de beauté extraordinaire, surtout sa statue du Vatican; il a l’air assez sombre, et probablement il n’aurait pas valu beaucoup mieux que Macrin. Lampride dit qu’il était luxurieux et cruel. Nous avons une lettre de