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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/588

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donné de jeter de la boue sur les inscriptions des statues d’Alexandre, venaient de leur camp, peu éloigné des jardins de l’empereur, lui faire en voisins une terrible visite. Héliogabale, interrompu dans ses divertissemens de cocher, s’échappa, et parvint à se cacher en s’enveloppant dans une portière; il en fut quitte ce jour-là pour la peur, mais il devait bientôt trouver dans une autre cachette plus abjecte une mort moins sale que sa vie.

On était parvenu à écarter les prétoriens, en petit nombre, qui avaient pénétré dans les jardins de Varius; cependant près de là, dans le camp, l’agitation n’était pas apaisée. Les soldats demandaient qu’on mît à mort les indignes favoris d’Héliogabale, qu’on préservât avec soin Alexandre des embûches de son cousin, et que celui-ci changeât son genre de vie. A ces conditions, ils consentaient à l’épargner; mais l’insensé refusa de s’y soumettre : il osa réclamer ses favoris, s’obstina, comme un enfant qui a de l’humeur, à ne pas vouloir paraître en public avec Alexandre, et enfin essaya encore de le faire périr. Cette fois les soldats, qu’Héliogabale avait trompés, et le sénat, qu’il avait chassé de Rome, perdirent patience. On alla le poursuivre jusque dans un lieu secret où il s’était réfugié. C’est là qu’il mourut. Nous suivons pied à pied l’histoire de la décadence de l’empire, voilà où elle nous a conduits. J’ai dit ailleurs ce que devinrent les restes d’Héliogabale.

Le règne d’Héliogabale marque le degré le plus bas de l’avilissement auquel un peuple qui renonce à toute liberté s’expose à descendre. Après cela, l’empire ne pouvait pas se déshonorer davantage, mais il lui restait à périr. Avant de suivre l’agonie de Rome jusqu’au jour où, délaissée par les empereurs, elle sera livrée aux Barbares, à ce moment où nous venons de voir chez Héliogabale l’incarnation du despotisme dans un prêtre de l’Orient, nous nous arrêterons un peu pour demander aux monumens des preuves visibles de l’invasion de l’Orient dans la religion romaine, invasion que personnifie l’avènement d’Héliogabale.

On a exagéré la tolérance des Romains en matière de religion, afin de rendre les chrétiens responsables des persécutions qu’ils subirent. A Rome, l’idée de la tolérance était repoussée par l’énergie de l’orgueil national. Les superstitions étrangères, comme on les appelait, y furent toujours suspectes. Dans l’affaire des bacchanales, sous la république, quand on découvrit avec terreur que des milliers d’adeptes, hommes et femmes, avaient été initiés à ces honteux et sanglans mystères, le consul prononça ces paroles : « Combien de fois, au temps de nos pères et de nos ancêtres, les magistrats ont été chargés d’interdire les cultes étrangers, de chasser les prêtres et les devins, de rechercher et de brûler les livres prophétiques, d’abolir