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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/619

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vides, les autres remplis de vieux affûts. Elle n’est plus occupée que par 400 indigènes. Il aurait été facile de disposer pour le service des malades un certain nombre de ces magasins et quelques maisons non habitées que les Turcs construisirent par mesure de sûreté en 1820, à l’époque de la guerre de l’indépendance grecque; on aurait pu loger ainsi 300 convalescens. Il se trouvait encore d’autres bâtimens dont on pouvait tirer parti. A 100 mètres derrière la citadelle, on rencontre, sur un point culminant, une caserne turque dont il aurait suffi de blanchir les murs intérieurs en augmentant le nombre des fenêtres. A l’ouest de la ville, au milieu de beaux jardins potagers, s’élève l’école de la communauté grecque; les salles sont très spacieuses et très propres. Le conak Moharem-Bey et la maison Métaxa étaient deux vastes palais turcs immédiatement disponibles et en parfait état de conservation. Le pacha m’offrit même le palais de l’ancien gouverneur; mais il tombait en ruines et ne pouvait être habité sans danger. Il m’offrit aussi sa maison de campagne, située à 10 kilomètres environ au sud de la ville, sur le bord de la mer, à côté d’un petit débarcadère. Je m’y rendis à cheval en longeant la côte, et je traversai une magnifique forêt d’oliviers, au centre de laquelle s’élèvent une foule de coquettes villas. En somme, ma visite aux divers établissemens de l’île qu’on aurait pu convertir en hôpitaux me laissa cette conviction, qu’il eût été aisé de loger immédiatement à Mételin 785 convalescens dans cinq bâtimens isolés les uns des autres, il est vrai, mais groupés dans un cercle de 5 ou 600 mètres. Sans doute ce morcellement rendait impossible la création d’un hôpital de convalescens tel que l’entendent les traditions classiques; mais ces traditions ne me semblaient pas bien impérieuses dès qu’il s’agissait de convalescens auxquels la liberté, le mouvement, la promenade au grand air étaient nécessaires. Il suffisait de créer des dépôts de convalescens organisés et vivant comme les compagnies d’un régiment. On pouvait en outre installer à peu de frais deux établissemens sous tentes contenant chacun 2,000 scorbutiques, l’un dans la maison de campagne du bey, l’autre près des eaux thermales de Quindros.

Un savant médecin établi dans l’île, M. Bargigli, nous prêta, dans cette exploration, un concours empressé et précieux. Le gouverneur de Mételin, Ismaël-Pacha, me disait : « Dépêchez-vous, car les Anglais ont déjà envoyé une commission pour explorer l’île; sans doute ils ne tarderont pas à venir. » Et il ajoutait gracieusement : « J’aime mieux voir ici les Français que les Anglais. » De son côté, M. Thouvenel avait obtenu du sultan l’autorisation de donner immédiatement suite à nos projets; malheureusement les retards, les difficultés, puis la signature de la paix, empêchèrent d’installer à Mételin un hôpital et des campemens où des milliers de scorbutiques auraient