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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/631

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s’épuisent vite en campagne, avait-il fallu vaincre d’immenses difficultés dans un pays dénué de tout. La conséquence était qu’il fallait ne conserver que les typhiques en Crimée, et envoyer tous les autres malades à Constantinople. La dernière décade, celle du 20 au 29 février, indiquait 519 malades sortis guéris des ambulances et 873 morts. En ne faisant porter l’examen comparatif que sur les hommes atteints de typhus, on rencontrait un résultat bien plus effrayant encore. Il y avait eu 27 guérisons sur une mortalité de 383, et pourtant le typhus, dans les conditions ordinaires, n’enlève guère plus da sixième des malades. Ainsi à Constantinople, sur 422 infirmiers atteints de typhus dans les hôpitaux, 42 seulement étaient morts. — Enfin je proposai d’évacuer les militaires non atteints de typhus. Ils étaient les plus nombreux; leur départ opérerait un désencombrement immédiat, et permettrait d’affecter toutes les ressources devenues disponibles aux malheureux typhiques. Ceux-ci, étant retenus en Crimée, ne sèmeraient plus la contagion sur les navires et dans les hôpitaux de Constantinople.

Deux heures après l’envoi de ce rapport, le maréchal Pélissier me répondait : « Je donne des ordres pour que toutes vos prescriptions soient immédiatement exécutées dans les régimens et dans les ambulances. » En même temps de puissans encouragemens me venaient de France. Le ministre de la guerre m’écrivait le 15 mars : « J’attends avec bien de l’anxiété des nouvelles de notre état sanitaire. Dites à vos camarades du service de santé que je les remercie; ce mot dit tout. L’empereur connaît les nouvelles preuves de leur zèle, de leur courage, de leur abnégation : il a toujours compté sur les officiers de santé; mais sa foi en leur dévouement s’est accrue depuis qu’il sait toute l’énergie qu’ils montrent en ce moment. Je vous envoie quelques sœurs de charité, 200 infirmiers, 20 aides; voilà du renfort, puisse-t-il ne pas servir! A Marseille, à Toulon, il y a de l’émotion; rien de sérieux encore, mais des craintes. Nous mettons à profit les bonnes et prudentes dispositions que vous avez prises dans votre tournée en Provence. L’empereur m’a écrit ce matin. Me parlant de l’état sanitaire de l’armée, il ajoute : « Ce qui est essentiel, c’est d’établir le plus vite possible les ambulances sous baraques que réclame M. Baudens; donnez des ordres pressans en conséquence. » Je ne puis faire mieux que de vous rapporter les mots mêmes de l’empereur. J’ai écrit par le télégraphe et par lettre au général Larchey; je lui ai prescrit de mettre à Maslak tout ce qu’on pourrait y installer de malades; je lui ai dit de régler avec les médecins et en dehors de toutes les prescriptions écrites et déjà existantes l’alimentation des malades; il a pleins pouvoirs, et j’approuverai tout ce qu’il fera. Les prisonniers russes étaient en parfait état