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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/734

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et le jour où le nouveau Sylla voudrait récompenser ses vétérans, la conquête de l’Italie serait consommée. La dictature de Ricimer était comme une dernière halte dans la marche incessante des nations barbares, entre Stilicon et Odoacre.

On pourrait se demander pourquoi Ricimer ne confisquait pas franchement pour lui-même cette souveraineté impériale qu’il prêtait aux autres à si haut prix, ou qu’il laissait vacante pour n’avoir pas à la retirer, et, puisqu’il ne le faisait pas, quel sentiment généreux ou quel préjugé était capable d’arrêter un pareil homme dans la poursuite d’un pareil but? Les faits de l’histoire sont là pour répondre. Pendant cinq cents ans que dura l’empire d’Occident, aucun Barbare n’osa prétendre au trône impérial, si ce n’est en 235 le Goth Maximin, proclamé empereur dans une orgie de soldats en révolte sur les bords du Rhin, après le meurtre d’Alexandre Sévère : Encore ce triste produit de la rébellion, né dans une province romaine, parmi des sujets romains, ne mit jamais le pied en Italie, ne fut jamais reconnu par le sénat; mais dans les temps réguliers les plus grands généraux de race barbare qui aient servi l’empire, Arbogaste, Stilicon, Aspar en Orient, quelle que fût leur passion de dominer, n’élevèrent jamais leurs vœux jusque-là. Un sentiment indéfinissable retenait le Barbare ambitieux prêt à franchir le dernier échelon : on eût dit que les fils des races vaincues tremblaient encore devant cette pourpre romaine, signe de leur sujétion pendant tant de siècles, et qu’ils craignaient de commettre un sacrilège en y portant la main. Ils laissaient à des Romains le soin de l’avilir.

Comme l’interrègne créé par Ricimer se prolongeait de mois en mois, que tout était suspendu dans l’administration des affaires publiques et privées, et que l’Italie n’entrevoyait point la fin de ses souffrances, le sénat prit sur lui d’envoyer une députation à l’empereur Léon pour négocier un retour à l’unité, rompue depuis bientôt six ans, et le prier de donner à l’Occident un empereur, puisque Ricimer n’en trouvait point. Il y avait dans cette démarche quelque chose d’inaccoutumé, de hardi, un indice du réveil possible de l’Italie : Ricimer ne s’y trompa point et se tint prudemment à l’écart, sachant bien qu’après tout le nouvel empereur tomberait sous son pouvoir, comme les autres, et que, quoi qu’on fît, il n’arriverait rien que ce qui lui plairait. Au reste, le sénat se montra publiquement plein de déférence et de respect pour sa personne; l’empereur Léon parut avoir oublié ses anciens griefs, et le patrice, traité en puissance égale au sénat lui-même, laissa la négociation suivre son cours sans essayer de la troubler. Quand Léon proposa le choix d’Anthémius, Ricimer l’agréa. Il agréa de même et avec une sorte d’empressement l’idée de son mariage avec la fille