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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/792

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LA PRINCESSE
PROMÉTHÉE



I.

Un soir, entre quatre et cinq heures, dans le coin d’un salon qui eut sa gloire comme Babylone et comme Tyr, et qui a disparu comme ces cités, j’entendis parler de lady Byron. On disait que l’auteur de Don Juan s’était donné des torts bien graves envers elle, on la plaignait, on la béatifiait, on offrait comme holocauste à son souvenir la mémoire flagellée et déchirée de son glorieux époux. J’étais à cet âge où les moins bons d’entre nous ne sont pas encore aptes à s’enrôler dans la grande légion des pharisiens, où la passion éternelle de tous les hommes divins nous arrache des élans d’une pitié enthousiaste et profonde. En moi-même, je pris parti pour Byron, et je me dis qu’il se commettait devant moi, à coup sûr, une des iniquités quotidiennes qui sont le fond, l’âme, la vie de ce qu’on nomme la conversation.

Plus tard, bien loin de l’heure et des lieux où mon cœur sentit la rapide étreinte des émotions que je retrouve aujourd’hui, des faits inattendus ont donné raison aux instincts de ma jeunesse. Ces faits, j’essaie maintenant de les recueillir. Puissent-ils avoir pour d’autres l’éloquence qu’ils ont eue pour moi! Ce ne sera pas d’une seule apologie qu’ils se chargeront, car dans ce monde nulle existence n’est isolée, nul homme n’est le représentant de sa seule pensée, nulle victime n’est immolée pour ses seules vertus ou ses seules fautes. — Connaissez-vous le prince Prométhée Polesvoï?