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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/845

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et l’Esprit qui a tout conduit prononce cette ode où la poésie conduit à la philosophie, où la voluptueuse lumière d’une légende orientale baigne l’élysée des sages, où toutes les magnificences de la nature s’assemblent pour ajouter une séduction à la vertu.


« Je revole maintenant vers l’Océan — et les climats heureux qui s’étendent — là où le jour ne ferme jamais les yeux, — là-haut, dans les larges champs du ciel. — Là je respire l’air limpide — au milieu des riches jardins — d’Hespérus et de ses trois filles, — qui chantent autour de l’arbre d’or. — Parmi les ombrages frissonnans et les bois, — folâtre le printemps joyeux et paré ; — les Grâces et les Heures au sein rose — apportent ici toutes leurs largesses. — L’été immortel y habite, — et les vents d’ouest, de leur aile parfumée, — jettent le long des allées de cèdres — la senteur odorante du nard et de la myrrhe. — Là Iris de son arc humide — arrose les rives embaumées où germent — des fleurs de teintes plus mêlées — que n’en peut montrer son écharpe brodée, — et humecte d’une rosée élyséenne — les lits d’hyacinthes et de roses — où souvent repose le jeune Adonis, — guéri de sa profonde blessure, — dans un doux sommeil, pendant qu’à terre — reste assise et triste la reine assyrienne. — Bien au-dessus d’eux, dans une lumière rayonnante, — le divin Amour, son glorieux fils, s’élève, — tenant sa chère Psyché ravie en une douce extase. — Mortels qui voulez me suivre, — aimez la vertu, elle seule est libre, — elle seule peut vous apprendre à monter — plus haut que l’harmonie des sphères. — Ou, si la vertu était faible, — le ciel lui-même s’inclinerait pour l’aider. »


Devais-je marquer des maladresses, des bizarreries, des expressions chargées, héritage de la renaissance, une dispute philosophique, œuvre du raisonneur disciple de Platon ? Je n’ai point senti ces fautes ; tout s’effaçait devant le spectacle de la renaissance riante, transformée et conservée par la philosophie austère, et du sublime adoré sur un autel de fleurs.

L’âge est venu. Vingt années de combats et de malheurs ont enfoncé cette âme dans les idées religieuses. La mythologie a fait place à la théologie, l’habitude de la dissertation a fini par abaisser l’essor lyrique, l’érudition accrue a fini par surcharger le génie original. Le poète ne chante plus en vers sublimes, il raconte ou harangue en vers graves. Il n’invente plus un genre personnel, il imite la tragédie ou l’épopée antique. Il rencontre dans Samson une tragédie froide et haute, dans le Paradis regagné une épopée froide et noble, et compose un poème imparfait et sublime, le Paradis perdu.

Plût à Dieu qu’il eût pu l’écrire, comme il l’essaya, en façon de drame, ou mieux, comme le Prométhée d’Eschyle, en forme d’opéra lyrique ! Il y a tel sujet qui commande tel style : si vous résistez, vous détruisez votre œuvre, trop heureux quand, dans l’ensemble déformé, le hasard produit et conserve de beaux morceaux. Pour mettre en scène le surnaturel, il ne faut point rester dans son as-