Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la cour de cassation de Bruxelles détruit complètement le système d’interprétation adopté par un cabinet libéral en 1847, système d’où est née justement l’obscurité en cette matière. Il n’y avait donc ni surprise, ni prétention inattendue et violente ; il y avait simplement une loi qui pouvait être discutée, corrigée et amendée, mais qui ne devait offrir aucun prétexte à l’émeute. Et c’est ce qui explique comment la question n’est plus aujourd’hui dans la loi elle-même : la vraie et sérieuse question est dans cette irruption de la force et d’une émotion irrégulière au sein des institutions. Le gouvernement a fait acte de résolution et de prudence en coupant court à cette effervescence par un ajournement d’abord momentané des chambres. Il ne reste pas moins ce fait singulier d’une majorité législative légalement et librement élue, obligée de s’arrêter devant des manifestations de la rue. C’est là un malheur pour la Belgique, et la meilleure preuve que là est la question comme là est le danger, c’est que ces tristes événemens sont devenus aussitôt un facile argument pour tous ceux qui cherchent sans cesse à surprendre les défaillances des institutions parlementaires. Non sans doute, la constitution n’est pas suspendue, et les mœurs libérales sont trop enracinées en Belgique pour recevoir d’un incident passager une atteinte profonde. Il y a du reste ceci à remarquer, que les manifestations violentes, en se dirigeant contre une mesure spéciale, n’ont pas cessé d’être respectueuses pour le roi dont la sagesse a fait traverser à la Belgique des épreuves qui n’étaient pas moins périlleuses ; mais enfin le meilleur moyen de montrer ce qu’il y a d’outré et de ridicule en certains pronostics presque funèbres, c’est de rentrer le plus promptement possible dans la pratique vraie et sérieuse des institutions libres. Malheureusement l’embarras est de trouver une issue. Si le gouvernement retire définitivement la loi de la bienfaisance et dissout les chambres, n’est-ce pas sanctionner en quelque sorte le triomphe d’une manifestation factieuse sur les délibérations régulières de la majorité parlementaire ? Si le parlement reprend ses travaux, et si la discussion de fa loi est conduite jusqu’au bout, l’émotion publique ne renaîtra-t-elle pas ? On le voit, il y a des dangers de tous les côtés : dangers pour la paix matérielle, dangers pour la dignité et l’intégrité des institutions. Il y a eu depuis quelques jours diverses réunions de représentans à Bruxelles, et dans ces réunions, à ce qu’il paraît, c’est à qui déclinera la responsabilité des événemens aussi bien que l’initiative d’une résolution. Qu’on l’observe bien, le parti libéral n’est nullement intéressé à prendre le pouvoir aujourd’hui. Ramené aux affaires dans de telles conditions, obligé de dissoudre le parlement dans des circonstances semblables, il se ressentirait inévitablement de toutes ces irrégularités violentes qui auraient présidé à son retour. Le parti catholique, de son côté, n’est point assurément intéressé à chercher une satisfaction au prix de la paix publique. C’est au cabinet sans doute plus qu’à tout autre de prendre l’initiative d’une sorte de médiation entre les opinions, qui ont toutes aujourd’hui un même intérêt, celui de montrer que les institutions libres sont au-dessus des crises passagères de la vie publique. Pour le moment, la clôture des chambres vient d’être prononcée pour cette session. Ce n’est là, il nous semble, qu’une prolongation de cette trêve dont nous parlions, et qui, sans être une solution définitive, a du moins