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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/1000

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dont on nous menace. » Puis, avec cette prédilection qui le ramène toujours vers les vieilles traditions de son parti, lord John Russell a rappelé ce mot d’ordre du vieux parti whig : la cause de la liberté civile et religieuse dans le monde entier, que Canning s’appropria lorsqu’il devint ministre des affaires étrangères ; « moi aussi, a-t-il ajouté, je suis pour la cause de la liberté civile et religieuse dans le monde entier, mais sur ma vie je ne puis voir comment cette grande cause pourrait être servie par une agression telle que celle dont on a parlé. »

Il est inutile de s’appesantir sur l’importance de semblables déclarations : nous les enregistrons comme les premiers documens officiels qui nous soient arrivés sur le grand procès politique dont l’Italie est aujourd’hui l’objet à la face de l’Europe, et comme des documens qui ne sauraient manquer d’avoir une influence considérable sur la conduite de cette brûlante affaire. Il nous reste à parler des vives sympathies qui ont été témoignées par les orateurs anglais pour l’alliance française et pour les progrès de l’Italie. À l’égard de la France, de peur de tomber dans des répétitions oiseuses, nous nous contenterons de citer quelques paroles élevées de M. Disraeli, qui ont obtenu au surplus l’entière adhésion de lord John Russell. « J’ai toujours soutenu dans cette chambre, a dit le chancelier de l’échiquier, la politique de l’alliance de la France. En exprimant cette opinion, j’ai toujours rappelé à la chambre que c’est la politique qui a été défendue en tout temps par les plus sagaces de nos souverains et de nos hommes d’état. L’alliance avec la France est la politique que la reine Elisabeth et le Protecteur ont adoptée tous les deux. C’était le seul point sur lequel fussent d’accord lord Bolingbroke et sir Robert Walpole. Je crois que c’est la politique qu’approuvaient en commun M. Pitt et M. Fox. Ce n’est point une politique nouvelle. Il y a eu des intervalles de mésintelligence entre les deux pays. Le souvenir de la grande guerre qu’a produite une grande révolution subsiste encore ; mais cette guerre, que la chambre me permette de le lui rappeler, a été suivie d’une paix qui a duré le double. Et pourquoi supposerions-nous un instant qu’une alliance toujours adoptée par les plus grands hommes d’état, et qui pendant deux cent quarante ans a plus ou moins prévalu entre les deux paj^s serait à la merci du caprice d’une personne ou de la mobile fantaisie d’une nation ? Il faut qu’il y ait des raisons profondes pour que cette alliance soit ce que je la nomme, une alliance naturelle. Il peut y avoir à la surface mille difficultés naissant de la contiguïté des deux pays, de la vive et constante émulation (jui anime les deux peuples à la tête tous deux de la civilisation, du souvenir d’une ancienne et passagère querelle, ou de la différence et du contraste des caractères nationaux ; il faut cependant qu’il y ait eu des raisons profondes pour que leur alliance ait été sanctionnée par des autorités aussi hautes que celles du plus grand souverain et des plus illustres hommes d’état que nous ayons connus. C’est une alliance indépendante des dynasties, des personnes et des formes de gouvernement. Nous n’avons point à nous préoccuper de ces formes diverses ; tout ce que nous avons besoin de savoir, et nous le savons, c’est que les bonnes relations des deux pays leur sont avantageuses, et le sont aussi au monde entier. Telle est mon opinion générale à ce sujet, et je l’ai exprimée lorsque d’autres princes étaient sur