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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/1011

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qui préparent ainsi les générations nouvelles à mieux comprendre les plaisirs désintéressés de l’esprit et à mieux goûter les chefs-d’œuvre du génie. Qu’on se garde d’oublier toutefois que cette éducation esthétique des classes populaires ne dépassera jamais certaines limites, qu’elle ajoute aux dons de la nature, et qu’elle les perfectionne sans pouvoir jamais suppléer à son influence suprême, en sorte qu’on ne doit pas se faire une trop grande illusion sur la puissance de l’éducation et de l’industrie humaine, qui ne sauraient changer la nature des choses. Quoi qu’il arrive et quoi qu’on fasse, la France ne produira pas plus des oranges en plein vent que des voix comme celles de Rubini ou de Lablache. Tout ce que l’art peut enseigner, c’est de tirer le meilleur parti possible des forces de la nature. Tel est aussi le but raisonnable que s’est proposé M. Panofka dans le petit ouvrage élémentaire dont nous nous occupons.

Si dans l’enseignement de tous les arts il importe avant tout de bien asseoir les premiers principes, on peut affirmer que tout l’art de chanter dépend des premiers conseils qu’on donne à l’enfant. Un maître de solfège qui n’a fait aucune étude d’un organe aussi délicat que la voix humaine peut le briser comme un verre, le fausser tout au moins, et en détruire le timbre pour toujours ; c’est ce qui arrive bien souvent dans les écoles, dans les pensionnats, et même dans les classes que dirigent des professeurs émérites. Et lorsqu’on entend chanter ces sociétés chorales dont la France semble un peu trop engouée depuis quelques années, on acquiert la conviction que l’enseignement populaire de la musique vocale franchit un échelon important, qui est l’étude préalable de l’émission pure et naturelle de la voix. L’étude du solfège, dit avec raison M. Panofka, est la base de toute éducation musicale en France. Lorsque les enfans solfient sans avoir appris d’abord à bien poser les quelques sons qui forment l’échelle vocale qu’il leur est permis de parcourir sans danger, ils concentrent toute leur attention sur la justesse de l’intonation et l’exactitude de la mesure. Dans cet exercice mnémonique et presque machinal, l’enfant préoccupé du nom de la note do, ré, mi, de son intonation et de sa valeur relative, ne peut manquer de contracter de mauvaises habitudes vocales, s’il n’est pas dirigé par un maitre qui possède quelques notions de l’art de chanter. Puisque solfier, ce n’est pas autre chose que chanter, il importe de ne pas établir des divisions factices dans l’enseignement populaire de la musique vocale, et de se préoccuper immédiatement de la qualité matérielle du son et de l’organe fragile qui le produit. Telles sont les bonnes idées qui ont inspiré à M. Panofka l’ouvrage intéressant et fort utile que nous avons sous les yeux. Il est divisé en deux parties : l’une contient le texte qui traite successivement du timbre de la voix et de la respiration, de la classification des voix d’enfans, chapitre délicat et fort curieux, auquel M. Panofka consacre toute la sollicitude qu’il mérite. Dans la première leçon, M. Panofka parle de l’émission du son ; dans la seconde, des exercices d’agilité, de la gamme, des arpèges, des sons filés, enfin de tous les détails qui constituent les premiers élémens de l’art de chanter, fondus dans l’enseignement du solfège, qui les contient implicitement. Là est l’intérêt de ce petit travail. Viennent ensuite vingt-quatre leçons graduées, appropriées à l’habileté acquise de l’élève, et servant de commentaire à la théorie contenue dans le texte.