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On a comparé souvent les deux frères, on leur a trouvé les mêmes caractères intellectuels ; on a dit que le problème de la foi s’était posé pour tous deux dans les mêmes conditions, et que leurs solutions respectives épuisaient l’alternative logique de la question, comme les deux racines positive et négative d’une même équation. Ce parallèle entre les deux frères peut être exact malgré leur divergence, ou peut-être à cause de leur divergence. Il serait intéressant de suivre l’histoire de ces deux esprits, de ces deux consciences. Cette histoire, M. Francis Newman l’a écrite pour lui-même, et ses confessions, d’un genre nouveau, ont eu quelque retentissement.

Ce récit fort détaillé est assez confus, l’auteur ayant suivi l’ordre de date des mouvemens de son esprit, et non l’ordre déductif de ses idées. C’est cependant une lecture intéressante, quoiqu’elle dure un peu longtemps. La vie universitaire, par laquelle commence le narrateur, serait insignifiante, s’il n’avait été naturellement porté à une grande bonne foi avec lui-même. Les doutes qui traversèrent alors son esprit doivent être de ceux qui se présentent souvent dans le cours de l’apprentissage théologique ; mais les étudians s’en affranchissent, les uns par un penchant décidé pour la confiance religieuse, les autres par une sorte d’indifférence pratique qui rend aisé de surmonter les difficultés de la vie, lorsqu’elles n’intéressent que la raison. M. Newman était disposé à prendre au sérieux ses idées, quand il en fallait faire des croyances. Obligé de souscrire une seconde fois aux trente-neuf articles, il le fit avec hésitation : sa seule crainte à la vérité était alors que le baptême des enfans ne fut pas institué par Jésus-Christ ; mais s’il n’était pas ébranlé dans l’ensemble de sa foi, il l’était, dans son respect pour les argumens et les autorités de l’école, ayant éprouvé qu’à ses diverses questions on ne répondait que par une sorte de résolution générale de trouver bonnes les raisons quelconques acceptées par de bons auteurs. Son frère ne lui avait été d’aucun secours, car il se décidait, sur les points embarrassans, par des motifs qui ressemblaient déjà beaucoup à ceux d’un néophyte de l’église romaine.

Après avoir pris ses grades, M. Newman entra dans l’enseignement, et rencontra alors un ministre irlandais simple, rude, ardent, qui lui dit de dédaigner la théologie pour la prière, et qui tourna son esprit vers ces œuvres chrétiennes qui ne demandent ni science ni méditation, mais la piété toute d’action du missionnaire. Dissuadé par ses conseils de toute vaine contention d’esprit, pressé 4’ensevelir dans un travail apostolique les perplexités qu’enfante la réflexion, il résolut de se rapprocher du christianisme primitif en convertissant les infidèles, et partit pour la Perse, où il alla joindre