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établie ; comment Charles-Albert ayant été mandé à Novare, quartier-général de la contre-révolution, et invité à sortir du royaume, Balho dut suivre la même route, obéissant également aux ordres, bons ou mauvais, disait-il, du souverain, tous deux suspects à la fois et à la royauté, qui recourait à l’intervention autrichienne, et aux libéraux, qui n’avaient su qu’attirer cette intervention ; comment enfin tout finit par quelques coups de canon échangés sous les remparts de Novare entre les troupes autrichiennes et les régimens constitutionnels, qui bientôt se débandèrent.

Bien des essais pareils, bien des efforts, depuis ces premiers tumultes, qui se répandirent dans les possessions autrichiennes et n’aboutirent qu’à peupler le Spielberg, ont poursuivi jusqu’à ce jour l’œuvre de la régénération nationale dans les diverses parties de la péninsule. On admire, sans avoir le courage de les blâmer, ces héros du désespoir, se sacrifiant l’un après l’autre, sans probabilité de succès, à leur foi patriotique ; mais il est sage et profitable aussi de bien apprécier l’aptitude du peuple piémontais à utiliser les expériences acquises, et à ne pas recommencer de folles et désastreuses opérations. 1821 fit comprendre que la nation, isolée du roi, ne pouvait arriver qu’à l’invasion autrichienne, soit que le prince demandât secours contre ses sujets aux armes impériales, soit qu’il laissât simplement la place à une occupation, en se dirigeant, comme Charles-Emmanuel IV, sur la Toscane. Quelque dure que fût la nécessité de courber la tête sous une autorité toujours prête à invoquer l’intervention étrangère, cela valait mieux cependant que d’être livré directement et en toute propriété à ces étrangers eux-mêmes. La révolution manquée, témoignage illicite d’un attachement singulier des races subalpines à leur dynastie, ne fit donc que les rapprocher du roi, même cruel, même impitoyable et maladroit ; mais pourquoi ce spectacle bien significatif était-il sans influence sur les déterminations de Victor-Emmanuel Ier et de Charles-Félix ? Pourquoi le roi était-il seul dispensé de reconnaître des principes que les événemens démontraient à l’envi, et d’admettre des réclamations fondées sur les nécessités premières de la vie morale ? Le peuple, avide de liberté, avait reçu de l’Autriche, à Novare, une leçon de prudence et d’ordre ; il convenait que le roi en reçût une d’un autre genre. Plus confiant dans ses dangereux voisins que dans son peuple, il devait être ramené à celui-ci par l’insupportable tyrannie des protecteurs qu’il s’était choisis. Le peuple avait été châtié dans sa fibre la plus sensible, l’instinct de liberté ; le roi devait être frappé dans l’objet des traditions les plus chères de sa famille, dans l’indépendance de sa couronne.

Le règne de Charles-Félix, commencé par la négation de la liberté des citoyens, finit par la négation de l’autonomie de l’état,