Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spirituelle ne prononça point elle-même le divorce entre les vérités démontrées et les vérités révélées n’ont pas été troublés par d’aussi ardentes hostilités : la science y a le plus souvent mis complaisamment ses découvertes au service des idées religieuses et philosophiques. Où pourrait-on en trouver de meilleures preuves que dans l’Angleterre, pays par excellence de la théologie naturelle, qui emprunte à la fois ses argumens à la science et à la révélation ? Où pourrait-on trouver d’ailleurs un plus saisissant exemple de l’intérêt que peut offrir l’histoire scientifique dans un pays libre ? M. Biot nous montre Galilée persécuté par Rome ; il nous apprend aussi que Newton, Napier, — et après eux on pourrait citer presque tous les grands noms scientifiques de l’Angleterre, — ont été les défenseurs et les champions de l’église anglicane et des doctrines de la réforme.


II

La renaissance des sciences fut beaucoup plus tardive en Angleterre qu’en Italie. On ne peut dire que Bacon en donna le signal, il y prépara seulement les esprits par une réforme philosophique. Comme le fait remarquer M. Biot, il n’appliqua jamais lui-même la méthode inductive. « C’est Galilée, écrit-il à ce sujet, qui a montré l’art d’interroger la nature par l’expérience. On a souvent attribué cette gloire à Bacon, mais ceux qui lui en font honneur ont été, à notre avis, un peu prodigues d’un bien qu’il ne leur appartient pas de dispenser… Si Bacon, ajoute-t-il un peu après, a eu tant de part aux découvertes qui se sont faites après lui dans les sciences, qu’on nous montre donc un seul fait, un seul résultat de son invention qui soit de quelque utilité aujourd’hui ! » Il est très vrai que la gloire d’avoir enrichi des premiers résultats positifs les sciences d’observation appartient à Galilée ; la gloire de Bacon a été d’une autre sorte. S’il n’a rien fait lui-même pour les sciences, il a montré ce que les sciences devaient faire. Dans un essai célèbre sur l’auteur du Novum Organum, l’historien anglais Macaulay a, ce nous semble, parfaitement caractérisé le rôle de ce grand homme ; il montre les sciences avant lui dédaignant les applications et cultivées comme de simples jeux de l’intelligence, Platon professant que la géométrie se dégrade par les services qu’elle rend au vulgaire, Socrate annonçant à ses disciples que la connaissance des mouvemens des corps célestes doit uniquement servir à élever l’âme vers des vérités aussi indépendantes des étoiles que les vérités géométriques le sont des lignes que nous figurons sur le sable. Ce dédain du réel et de l’utile était poussé jusqu’aux conséquences les plus absurdes : Platon allait jusqu’à prétendre que l’invention de l’écriture alphabétique