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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/220

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pour obtenir ses manuscrits. Chaque fois qu’il annonçait une nouvelle découverte, il trouvait toujours son collègue à la Société royale, Hooke, prêt à la lui disputer. L’hostilité de Hooke, esprit brillant et subtil, mais superficiel, était d’autant plus vive qu’il avait passé en quelque sorte près de plusieurs grandes découvertes sans les apercevoir et les saisir. M. Biot cite un extrait de ses livres où l’attraction se trouve pressentie : la force qu’il n’avait fait que deviner, Newton la calcula, la mesura, lui donna une formule. C’est dans cette formule qu’est toute la découverte. L’opposition de Hooke s’exerça aussi avec une importune persistance sur les beaux travaux de Newton relatifs à la lumière. Il attaqua avec beaucoup d’habileté l’hypothèse que Newton admettait relativement à la nature et aux propriétés du fluide lumineux ; mais, ainsi que M. Biot le montre, les résultats que l’observation avait fournis à Newton sont indépendans de toutes les hypothèses. Newton fut si chagriné de ces attaques, qu’il attendit la mort de Hooke pour publier l’Optique.

Il faut lire dans les Mélanges de M. Biot l’analyse de ce grand ouvrage, aussi bien que celle des Principes, où Newton renferma la théorie de l’attraction universelle et tous les résultats qu’il était parvenu à en déduire. Le savant français ne parle point de ces livres immortels avec l’admiration banale qu’on accorde toujours à ce que le temps a consacré : il en a pris une intime connaissance, il a approfondi toutes les questions, recherché avec patience, sous la sévère synthèse de Newton, la trace des procédés analytiques qu’il a employés, examiné avec le secours de toutes les découvertes modernes comment ses inductions sur un grand nombre de points ont été vérifiées, comment sur d’autres ses résultats ont été corrigés ou complétés. Ce travail critique présentait de très grandes difficultés. Aujourd’hui encore la lecture des Principes est extrêmement ardue. Faut-il s’étonner dès lors qu’ils n’aient pas été compris au moment où ils parurent ? Personne, pas même Leibnitz et Huyghens, n’en saisit la force et la profondeur. Newton sentit qu’il devait perfectionner son ouvrage ; mais, âgé déjà, très absorbé par ses fonctions de garde de la monnaie, il avait besoin d’un auxiliaire : il le trouva dans Cotes, jeune professeur de Cambridge. Le chapitre que M. Biot a consacré à la correspondance de Cotes et de Newton est des plus instructifs. Les points les plus délicats de la théorie de l’attraction universelle s’y trouvent controversés. Un fait qui ressort de cette discussion, c’est que Cotes, plein d’intelligence et de pénétration, fut très utile à Newton ; il éveillait son esprit aux objections, l’obligeait à donner à ses pensées la forme la plus claire. Cotes mourut très jeune : Newton ressentit vivement sa perte. « Si Cotes eût vécu, disait-il, nous aurions su quelque chose. »

La fin de la vie de Newton fut troublée par de pénibles débats