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municipaux sont mesquins, et l’on ne saurait s’en plaindre avec justice : il faut à tout l’action du temps[1].

L’Angleterre a beaucoup à gagner à la prospérité du port de commerce de Cherbourg ; le port militaire ne menace point sa sûreté : il est la garantie de celle de nos côtes et de la libre navigation de la Manche contre les entreprises de ceux qui ne respectent que la force. C’est assez pour nous et pour les nations maritimes de second ordre ; nous ne devons pas songer à lutter sur mer avec l’Angleterre. Le tonnage du matériel du commerce, qui est la mesure la plus exacte des forces navales des peuples, était ainsi réparti en 1856 :


Angleterre France.
Bâtimens à voile
3,825,022 tonneaux
934,657 tonneaux
Bâtimens à vapeur
331,055                
63,926                
Totaux
4,156,077 tonneaux
998,583 tonneaux

Notre matériel à voile n’est donc pas le quart, et notre matériel à vapeur le sixième de ceux de nos voisins, et ils pourraient perdre impunément plus de batailles que nous n’en saurions gagner. Voilà ce qu’il faudrait rappeler à la France, si une idée exagérée de sa puissance la poussait à des entreprises imprudentes. Mais si nous prêtons volontiers l’oreille à des vérités pénibles, l’Angleterre, de son côté, sait aussi bien que nous que, depuis les progrès récens de l’artillerie, le combat naval n’est plus qu’un meurtre social qui ne termine rien, et que l’emploi de la marine sera surtout désormais de transporter des troupes de terre sur les points stratégiques où se décident les grandes questions. Elle a plus de vaisseaux que nous ; nous avons plus de soldats qu’elle : l’équilibre existe entre nous. Si quelque chose y manque sur la Manche, souvenons-nous que, pour élever l’établissement de Cherbourg, il faut en élargir la base : ce sera ajouter aux motifs déjà si nombreux qu’ont les deux nations de se respecter mutuellement.


J.-J. Baude.
  1. Un seul de ces établissemens mérite l’attention des étrangers : c’est le musée, où l’on admire un certain nombre de tableaux des écoles italienne, flamande et espagnole. Cette collection est un don d’un enfant de la ville, M. Henry, et l’exemple de patriotisme qu’il a donné fera sans doute naître des imitateurs.