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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/383

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du voisinage, du rapprochement, de la jouissance indivise et de tous les rapports qui en dérivent. La commune est le premier élément de la société. » Et en cela M. de Martignac n’exprimait point une opinion personnelle ; avant lui, M. Henrion de Pansey avait avancé que le régime municipal n’avait point été imaginé par des publicistes, que cet arbre antique était sorti du sol pour abriter les populations naissantes et les couvrir de son ombre tutélaire. Après MM. de Martignac et Henrion de Pansey, telle a été aussi la manière de voir de tous les publicistes qui ont attaché leur nom à l’organisation communale en France : au fond des écrits, des rapports officiels et des discours de MM. Vivien, Vatimesnil, Dupin, on retrouve sans cesse cette idée, que la nécessité seule a formé la commune et l’a maintenue, que la loi n’est venue qu’après, et seulement pour la reconnaître. C’était également ce que disait M. Royer-Collard de la commune : « Elle est comme la famille avant l’état ; la loi politique la trouve et ne la crée pas. »

Mais s’il est vrai que la commune ait précédé la loi, suivant l’assertion des publicistes, si elle s’est constituée d’elle-même avant toutes les autres, institutions, on conçoit à merveille les difficultés qui sont réservées à quiconque veut essayer de remonter à l’origine des choses et saisir les premiers élémens de formation de la propriété communale, car, là aussi, il semble que tout est mer et que les rivages manquent à la mer :

… Deerant quoque littora ponto.

Ces difficultés n’ont pas découragé cependant l’érudition moderne, qui s’est avancée dans cette voie aussi loin que lui ont permis de le faire les monumens les plus accrédités de l’histoire. C’est ainsi que l’existence de la propriété communale dans la Gaule a été démontrée avec certitude à l’aide des textes de César et de Tacite. On peut consulter à ce sujet les savantes recherches de MM. Gaupp de Breslau, et Maurer de Munich, et les curieuses observations de M. Dareste de La Chavanne[1]. Le peuple gaulois a pris racine le premier sur le sol de France, et il commence notre histoire ; c’est à ses institutions qu’il faut s’attacher, si l’on veut relever quelques-uns des traits de la commune naissante. La propriété des tribus, des communautés ou des clans était collective ; chaque communauté occupait un territoire qu’elle possédait ou exploitait en commun. Les pâturages, les eaux, les bois, restaient dans l’indivision ; une certaine étendue de champs faisait seule l’objet d’une répartition entre les familles, et cette répartition se renouvelait quelquefois à des époques régulières,

  1. Histoire des classes agricoles en France, p. 14 et suivantes.