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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/451

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plus tard l’empreinte si bizarrement accusée. Ainsi un recensement fait en juin 1847 constate que déjà la plupart des nations du globe avaient des représentans à San-Francisco, qu’en moins d’un an la ville avait acquis une importance supérieure à celle de Monterey, et que, dans le dernier trimestre de 1847, son mouvement d’exportation et d’importation dépassait un demi-million de francs. Nous ne citons ces faits, peu importans en eux-mêmes, que pour montrer quel développement était assuré à la Californie entre les mains des Américains indépendamment de tout avantage exceptionnel : l’événement qui devait décider de l’avenir du pays approchait, et vers le commencement de 1848, le bruit se répandit qu’on avait trouvé de l’or en grandes quantités dans l’intérieur, au pied des montagnes de la Sierra-Nevada.

San-Francisco en ressentit un choc électrique. Pendant les deux premiers mois qui suivirent la nouvelle, on y avait vu 250,000 dollars expédiés des mines malgré le petit nombre des travailleurs, puis 600,000 pendant les deux autres mois ; aussi la ville fut-elle bientôt presque complètement abandonnée. Les maisons restaient à demi construites, le commerce était oublié, et chacun se dirigeait vers la terre promise. « De l’or ! tel est le seul cri qui retentisse dans le pays depuis les bords de l’Océan jusqu’au pied des montagnes, » disait tristement le journal dont nous avons parlé ; « tout le monde nous quitte, lecteurs et imprimeurs ; force nous est de suspendre notre publication. » Ce même dernier numéro annonçait pourtant en France la révolution de février sous cette engageante rubrique : guerre universelle ! mais New-York lui-même eût-il été bouleversé comme l’était Paris, que nul en Californie ne s’en fût préoccupé un instant. Cependant la magique nouvelle avait promptement dépassé les limites de la contrée pour se répandre dans le monde entier ; accueillie d’abord avec incrédulité, elle finit en peu de temps par convaincre jusqu’aux plus sceptiques, et dès la fin de 1848 la fiévreuse émigration des chercheurs d’or s’organisait de toutes parts sur la plus vaste échelle. San-Francisco semblait être le seul port du Pacifique, c’était du moins le seul vers lequel se dirigeassent les nombreux caboteurs de cette vaste côte et les flottes marchandes qui doublaient incessamment le cap Horn, si bien que les droits de douane, qui, dans chacun des deux premiers trimestres de cette année, avaient à peine atteint 10,000 dollars, en produisaient 75,000 dans le troisième, et plus de 100,000 dans le quatrième. Dans ce même intervalle de six mois, l’exportation de la poudre d’or avait dépassé 10 millions de francs.

L’année 1849 est restée pour San-Francisco mémorable entre toutes. L’émigration, bornée d’abord aux riverains du Pacifique, n’avait pas tardé à amener un premier contingent de quinze mille Mexicains,