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tions atmosphériques, et il n’a pas jusqu’à présent trouvé de remèdes contre les retours périodiques du courant d’air chaud et humide venant de l’Atlantique, auxquels M. Babinet attribue les pluies diluviennes qui nous amènent ces fléaux ; mais au moins par le reboisement, si nous ne pouvons les conjurer entièrement, parviendrons-nous à atténuer considérablement les désastres qu’ils causent, à augmenter en outre l’efficacité des autres moyens de défense, jusqu’à présent à peu près illusoires. Aujourd’hui la plupart des travaux effectués, loin d’empêcher le mal, ne font que l’accroître. Impraticables aux yeux d’un grand nombre d’ingénieurs, les digues transversales, pour être de quelque utilité, devraient être établies dans les parties les plus basses des vallées, presque à l’embouchure des affluens ; mais la première conséquence de cette construction sera de provoquer l’inondation dans ces parties, qui sont en général fertiles et bien cultivées, et qui, sans ces digues, eussent été à l’abri. On aura donc à payer, à titre d’indemnités, pour dommages causés à ces propriétés, des sommes très considérables que ne compenseront pas toujours les avantages obtenus. Ce système n’aboutit qu’à déplacer le mal et non à l’éviter ; ce n’est qu’un dérivatif et non un remède radical. Quant aux digues longitudinales, non-seulement elles ne peuvent pas toujours, en temps de crue, résister à la puissance des eaux, mais elles ont un effet réellement fâcheux, puisqu’elles contribuent à exhausser le lit du fleuve en créant des obstacles contre lesquels se déposent et s’arrêtent les matières qu’il charrie. Dans cet état, les fleuves deviennent, pour les pays qu’ils traversent, un danger permanent. Au lieu de l’abondance et de la prospérité, c’est la crainte et l’effroi qu’ils apportent avec eux. Ici le reboisement éloignerait complétement le péril. En empêchant les érosions et les affouillemens, il s’opposerait par cela même aux atterrissemens, à l’exhaussement du lit des fleuves et à l’obstruction de leur embouchure par des accumulations de sable et de gravier. Il rendrait ainsi possible l’établissement de digues longitudinales sur les points où l’utilité en aurait été reconnue.

Quelques personnes regardent, il est vrai, le ravinement des montagnes non comme un mal, mais comme un grand bien, en ce qu’il permet le colmatage des plaines et des vallées, c’est-à-dire le dépôt, dans les parties inondées, d’un limon fertilisant. Bien loin de créer des obstacles à l’envahissement des eaux, il faudrait en favoriser l’expansion par tous les moyens possibles. Nos fleuves répandraient ainsi dans nos campagnes, pendant les crues, les trésors que le Nil apporte annuellement à l’Égypte, et qui lui ont valu d’être mis au rang des dieux. Malheureusement on oublie que, si nos rivières déposent effectivement quelquefois un limon qui fertilise, bien plus souvent encore elles charrient des sables et des cailloux qui