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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/691

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leur position, devraient être le bouclier de la péninsule, et qui en sont au contraire la partie faible, puisque par elles la clé de l’Italie est entre les mains d’un maître qui est à Vienne. Et ce qu’on nomme la domination étrangère au-delà des Alpes, ce n’est pas seulement la présence des Autrichiens à Milan et à Venise, c’est l’extension indéfinie d’une influence intéressée sous laquelle disparaît l’indépendance de la plupart des autres états italiens eux-mêmes. L’Autriche défend ses positions et sa politique comme un grand empire qui croit son honneur engagé, — qui pourrait en être surpris ? — l’esprit national résiste à son tour, et là est vraiment le nœud de la question italienne.

Historiquement, cette situation se rattache au passé par bien des liens sans doute ; politiquement, dans ses traits principaux, dans ses conditions actuelles, au point de vue du caractère de la domination autrichienne et des impossibilités que rencontre cette domination, elle est un fait tout moderne. L’Autriche rentrant en Italie en 1814 et en 1815, ce n’était plus le vieux saint-empire retrouvant son prestige au-delà des Alpes et étendant de nouveau sa suzeraineté sur les Milanais. L’empire d’Allemagne n’existait plus depuis dix ans. L’Autriche avait renoncé d’elle-même à la dignité et aux privilèges impériaux ; elle ne pouvait à ce titre exercer aucune revendication légitime. — Qu’arriverait-il de l’Italie ? On ne le savait point encore, puisqu’à l’époque de la grande invasion refluant vers la France, le premier commissaire envoyé à Milan, le comte Sommariva, prenait possession de ces provinces simplement au nom des hautes puissances alliées. L’unique titre de l’Autriche est dans les traités de 1815. L’origine de son établissement actuel en Italie est une dévolution consentie par tout le monde, hormis par les intéressés dans cette grande adjudication des âmes et des territoires qui eut lieu à Vienne. C’est un point à noter, car il marque une situation toute nouvelle qui ne se fonde nullement sur le droit traditionnel, sur une légitimité interrompue et rajeunie, qui dérive uniquement et exclusivement du droit souverain et victorieux de la force. Après 1815, l’Autriche n’est plus qu’une puissance allemande, c’est-à-dire étrangère, ayant des possessions en Italie, élargissant ses domaines dans la mesure de ses ambitions plus que de ses intérêts bien entendus peut-être, et allant camper non-seulement à Milan, où elle pouvait à la rigueur retrouver des souvenirs, mais encore à Venise, où ne la rappelait aucune tradition, si ce n’est l’éphémère et imprévoyante cession de Campo-Formio. Cette distinction n’a rien de subtil et d’arbitraire : elle dévoile d’avance dans le germe la nature précaire et contestée, la faiblesse secrète et permanente de la domination autrichienne, et elle explique aussi quel sentiment de-