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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/698

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Tout bien compté, depuis 1820, l’Autriche a été pendant près de vingt-cinq ans dans les Légations. Et iv faut bien le remarquer, ce n’est pas seulement une intervention matérielle et préservatrice ; en bien des cas, c’est réellement une substitution de souveraineté. À Bologne, tous les pouvoirs civils ont été concentrés entre les mains des chefs de l’armée d’occupation ; c’étaient des commissions militaires autrichiennes qui jugeaient à Reggio de Modène, et à Parme les autorités impériales sont même allées jusqu’à enlever des détenus aux tribunaux locaux pour les envoyer à Mantoue. L’Autriche a voulu quelquefois fonder ce système permanent d’intervention sur un concert préétabli entre les états ; c’est ainsi qu’en 1847 elle signait avec les duchés de Parme et de Modène un traité d’alliance offensive et défensive, et de secours réciproque. Le duc de Modène offrait à l’empereur la solide garantie de son appui ; mais en compensation l’empereur acquérait le droit a de faire avancer des troupes impériales sur le territoire modenais toutes les fois que l’exigera l’intérêt de la commune défense ou la prudence militaire. »

Partout la même politique éclaterait en traits multipliés. Le traité de 1817 accorde à l’Autriche le droit de garnison pure et simple à Plaisance, et par ses travaux de fortification elle fait de Plaisance une place de premier ordre. Le congrès de Vienne a fixé en 1815 la frontière des états autrichiens en Italie, et le traité signé en 1847 avec les duchés part de ce point que les états du duc de Modène entrent dans la ligne de défense des provinces italiennes de sa majesté l’empereur d’Autriche. — Mais, dit-on, ce droit de prépondérance, d’influence permanente, d’intervention éventuelle, est une nécessité pour l’Autriche ; pour elle, c’est le droit de vivre, c’est le gage de sa sécurité dans la Lombardo-Vénétie. En intervenant dans la Toscane, à Parme, à Modène, comme dans la Romagne, elle se défend elle-même et obéit au plus strict sentiment de conservation. Elle ne peut renoncer à cette police préventive et répressive à la fois, ni même permettre la divergence des politiques, sous peine de se laisser mettre en état de siège à Milan par une Italie progressivement hostile, comme en 1847. « J’aime mieux périr par le fer que par le poison… Péril pour péril, je préfère un champ de bataille a une révolution ! » disait en 1831 M. de Metternich, qui pourtant n’a pas péri par l’épée. — Il est bien possible que ce soit là en effet la vérité des choses ; je ferai seulement remarquer que de cette situation ainsi faite découlent des incertitudes et des confusions qui laissent l’Europe sans garantie, qui pèsent sur les gouvernemens italiens eux-mêmes, et sont désastreuses pour tout l’ordre moral au-delà des Alpes.

Quelle est la nature de ce droit que l’Autriche revendique, et qui