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sous des couleurs si séduisantes, que les compagnies s’y formèrent à l’envi, on peut ajouter à l’aveugle, car nul compte n’était tenu des conditions anormales de la Californie. On y expédiait de Liverpool un personnel et un matériel dont le transport absorbait une notable partie des avances, et dont l’insuffisance ou l’inutilité ne se révélait qu’à l’arrivée; il fallait alors recourir à des travailleurs recrutés sur les lieux, les payer à des prix disproportionnés, et finir par reconnaître que le moyen le plus simple de sortir de cette fâcheuse impasse était de tout abandonner. La Compagnie du Nouveau-Monde perdit ainsi plus de 3 millions, la Quartz Bock Company 1 million et demi, l’Anglo-Californian autant, etc. Les mines de quartz furent par suite frappées d’un discrédit complet. Quelques années après, les circonstances étaient changées : la main-d’œuvre avait baissé; l’expérience avait enseigné les procédés les plus économiques pour triompher de la dureté du minerai; les gisemens de mercure[1] semés avec une providentielle abondance dans les districts méridionaux du pays recommençaient à être exploités, et permettaient d’amalgamer les résidus de lavage du quartz réduit en poussière; ces lavages eux-mêmes purent se faire en partie au moyen de l’eau des pompes d’épuisement. Aussi, sur cinquante-huit mines actuellement ouvertes, n’en est-il pas une qui donne moins de 75 francs par tonne de quartz, tandis qu’on en cite, exceptionnellement il est vrai, qui ont donné jusqu’à 10,000 francs. La plus riche est peut-être celle qu’avait abandonnée la Compagnie du Nouveau-Monde. Enfin les témoignages les moins suspects ne s’accordent pas seulement à représenter un gain annuel de 50 pour 100 comme dès aujourd’hui fréquent pour les capitaux employés aux mines de quartz, mais ils montrent cette industrie comme la plus lucrative du pays et la plus assurée de l’avenir.

Bien que la production aurifère de la Californie puisse être de nos jours estimée avec plus d’exactitude qu’on ne l’eût pensé au début, les diverses évaluations qui en ont été faites ne laissent pas de différer sensiblement entre elles, car on va vite et loin lorsqu’on compte par millions. La seule base certaine de cette statistique gît dans le relevé des exportations d’or indiquées sur les manifestes des navires; mais il faut de plus tenir compte des sommes qui restent dans le pays, ainsi que de la poudre d’or emportée sans déclaration par les mineurs retournant chez eux, et c’est là que cesse l’accord. Ainsi

  1. On ne compte jusqu’ici que deux compagnies occupées aux mines de mercure de la Californie, mais les bénéfices qu’elles réalisent ne tarderont probablement pas à étendre cette exploitation. La concession dite de New-Almaden peut passer pour l’une des plus riches du monde, et le minerai y fournit jusqu’à 80 pour 100 de métal. Le cinabre de Santa-Clara donne 30, 40 pour 100, et même plus.