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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/965

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sociaux ont trouvé de si glorieux défenseurs. Sans remonter plus haut dans l’histoire de nos crises sociales, il faut donc prendre l’année 1848 comme un point de départ auquel on doit fatalement revenir dès que l’on touche à un des problèmes économiques de notre temps.

De quelque mélange qu’il ait été troublé, le progrès industriel déterminé par la révolution de 1848 ne peut être méconnu, et l’on ne saurait nier davantage le rôle prépondérant que notre pays a joué dans cette croisade pacifique. Toutefois, en se plaisant à le reconnaître, il n’est pas moins utile de remonter à l’origine, de rappeler les espérances ou les prétentions du début, et de rechercher à la fois chez nous et autour de nous les faits qui se sont ensuite produits. L’industrie s’attribue de nos jours une mission civilisatrice; elle a ses principes et sa philosophie, elle subordonne à ses propres intérêts la solution de toutes les questions publiques : on doit donc lui demander compte de l’esprit qui l’anime et de l’influence prépondérante qu’elle a conquise. Si tout parallèle n’était ici chose hasardeuse, on pourrait dire que la révolution de 1848 a voulu poser des principes économiques, comme on a dit que la révolution de 1789 avait proclamé des principes libéraux, et opposer les conséquences des premiers aux conséquences qui ne se sont pas encore définitivement dégagées des seconds. Sans soulever pourtant un débat que l’avenir est appelé à juger, il reste utile, non de comparer les progrès industriels faits depuis 1848 avec les progrès antérieurs, mais de revenir sur les idées émises à cette époque pour constater celles qui ont survécu, la forme sous laquelle elles se sont produites, la ressemblance qu’elles ont conservée, les travestissemens qu’elles ont subis. Une étude de même nature a été tentée au sujet d’un de nos grands établissemens publics, le crédit foncier de France[1]. On voudrait aujourd’hui, en rappelant une des questions les plus débattues il y a dix ans, celle de l’organisation du crédit en général, reconnaître les pas que cette question a faits, et, à côté des solutions qui lui ont été données parmi nous et des institutions dont elle a provoqué la création, recommander quelques établissemens fondés dans un pays voisin comme dignes, à ce qu’il semble, de la plus sérieuse attention. En dehors des rapprochemens inattendus, des discussions fécondes qu’elle peut provoquer, une pareille investigation a bien une autre opportunité, et constitue pour tous presque une obligation de chaque jour. Les événemens de 1848, qu’on vient de rappeler, bien qu’éloignés de nous par un long intervalle d’années et de crises politiques, ne cessent de se présenter comme un avertissement et une menace. Oserait-on affirmer que, malgré le calme de la surface, l’heure présente soit sans périls, que les uto-

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1858.