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sentiment intérieur modifie l’expression du corps, et l’homme qui aime, lorsqu’il parle, fût-ce de philosophie ou de politique, a dans la voix je ne sais quelle note nouvelle qui lui donne des sons plus doux, plus sonores et pour ainsi dire plus musicaux. Pauline était pénétrée de cette harmonie à la fois tendre et puissante ; une sorte de force magnétique s’en dégageait, qui la frappait et remuait toutes les fibres de son cœur. « C’est pour moi qu’il parle, » se disait-elle, et lui-même, malgré lui, à son insu peut-être, c’est son approbation qu’il cherchait, c’est à ses pensées qu’il demandait un écho.

George partit le premier, ce qui eût été une coquetterie raffinée, si elle eût été réfléchie ; il partit simplement pour éviter de revenir avec sa mère, car il redoutait qu’elle ne lui fit encore quelque plaisanterie sur Pauline. Dès qu’il eut quitté le salon, ce fut un concert d’éloges ; mais Pauline écoutait dans son cœur une voix qui parlait de George mieux et plus haut.

— Il est charmant, dit une femme d’un certain âge ; nous devrions le marier, ce beau raisonneur.

— Y pensez-vous, madame ? répliqua Pauline avec une rapidité difficilement explicable. Et à quoi bon ? Laissez-lui donc son indépendance et les sérieux loisirs qui occupent sa jeunesse !

Mme d’Alfarey se pencha en ce moment à l’oreille de Pauline : — Nous y veillerons, lui dit-elle en souriant, et je crois, ma chère belle, qu’il aimerait à vous consulter avant de prendre une aussi grosse détermination.

George cependant était seul en face de sa conscience, et il s’interrogeait. La nuit fut longue et grave ; ce fut pour lui comme une veillée d’armes à l’heure d’entreprendre un de ces combats solitaires qui n’ont pour témoins que les pensées les plus secrètes, et d’où l’on veut sortir vainqueur pour bien mériter de soi-même. Il alla droit au mal ; à travers ses doutes et ses irrésolutions, à travers les sollicitations de sa jeunesse et les entraînemens où l’amour le poussait, il sut dégager la vérité ; il comprit, avec une abnégation où l’orgueil eut sa part, qu’il était entraîné par une passion sérieuse et profonde. L’intérêt de sa propre grandeur ne lui commandait-il pas de conserver toujours cette passion intacte et pure ? Il dédaigna ces chemins vulgaires qui nous conduisent presque sûrement au but de nos convoitises ; il se résolut à être vertueux dans le vrai sens du mot. George n’eut pas à regarder longtemps autour de lui pour reconnaître l’espèce de dislocation morale qui atteint les existences trop faciles ; il n’eut qu’à penser à sa mère, aux cruelles paroles qui autrefois avaient frappé son oreille. Il revit son père courbant la tête sous le poids de soucis qu’il ne nommait pas ; il eut peur pour lui-même, et surtout pour celle qu’il aimait, d’une liaison que le monde