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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/515

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comme disent les Italiens, en partie sans accompagnement, qui ne manque pas de produire un certain effet, surtout alors que le chœur vient joindre et doubler la puissance des voix qui ont préparé le thème. Le duo pour ténor et basse entre Pierre de Médicis et le grand-inquisiteur ne vaut pis la cavatine de soprano que chante Laura Salviati par la belle voix de Mme Gueymard :

Doux rêve de ma vie !


L’allegro de cette cavatine

Il va venir mon bien-aimé !


est mieux réussi encore que la première partie, et le tout est fortement empreint de la couleur mélodique de M. Verdi. Nous sommes forcé de faire la même remarque sur le duo qui suit entre Laura et Julien de Médicis, qui renferme des effets d’unisson très familiers à l’auteur d’Ernani et du Trovatore. Les airs de ballet au second acte, sans avoir rien de bien saillant, suffisent à faire briller Mme Ferraris, qui déploie dans ce joli divertissement, les Amours de Diane, un talent où la grâce s’allie à la vigueur. Nous laisserons clore le second acte par un finale qui ne mérite pas autrement d’être signalé. À l’acte suivant, il y a un trio entre Pierre de Médicis, Laura et fra Antonio, qui renferme une très belle phrase que chante le grand-inquisiteur :

Quand la voix d’un maître te supplie,


phrase qui est heureusement complétée par l’ensemble des deux autres voix. La stretta ou conclusion de ce même trio n’est pas aussi bien réussie que la première partie. Quant à la scène du campo-santo de Pise, que représente un très beau décor, et où Julien de Médicis vient méditer sur le tombeau de ses aïeux, c’est un composé hétérogène d’effets et de choses connus depuis longtemps. Le quatrième et dernier acte renferme une assez belle situation dans l’intérieur du cloître où Laura Salviati va être forcée de prendre le voile par son oncle l’inquisiteur. Le premier chœur des nonnes :

Dans nos calmes retraites,


est joli et bien accompagné. Nous sommes beaucoup moins content de tout ce que débite l’inquisiteur dans cette scène lugubre et un peu longue, qui aurait exigé la main et le souffle d’un maître consommé. Cependant les cris spasmodiques que pousse la pauvre femme qu’on immole ont de l’accent, et sont bien l’expression d’un cœur désespéré qui ne se donne à Dieu qu’à son corps défendant.

Évidemment, l’opéra de Pierre de Médicis, dont nous venons de signaler les parties saillantes, ne possède pas ces hautes qualités d’inspiration et de facture qui garantissent aux œuvres de l’art un succès durable. Écrite facilement par un homme du monde bien doué, la nouvelle partition de M. le prince Poniatowski renferme cependant plusieurs morceaux heureusement venus qui feraient honneur au talent d’un artiste. Tels sont la cavatine de Laura et le sextuor du premier acte, le trio du troisième acte, le chœur des nonnes et la couleur générale de la grande scène finale du quatrième acte.