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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/539

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rons pour tâcher de relever ses affaires, et n’avait inspiré de confiance à personne. En ce moment, on le croyait à Lyon. S’il ne revenait pas au bout de la semaine avec de l’argent, ses créanciers étaient décidés à tout saisir chez lui. Voilà ce que Sept-Épées se rappela avoir entendu dire à son parrain quelques jours auparavant.

Il fut donc très surpris, au moment où il se disposait à reprendre le chemin de la ville, de voir un jet de lumière qui paraissait sortir de la fabrique abandonnée, se glisser, s’étendre et se fixer sur le coude écumeux de la rivière qui en baignait le seuil. — Oh ! oui-da ! pensa-t-il, c’est comme un fait exprès ! Il y a là du monde et de la clarté ! Je ne suis pas superstitieux, sans quoi je me persuaderais bien que quelque bon ou mauvais esprit me conduit à mon salut ou à ma perte ! Il faut que, sur l’heure, j’aille examiner cet établissement, dans lequel je ne suis jamais entré.

Guidé par la clarté mystérieuse, Sept-Épées descendit de roche en roche et atteignit l’entrée de la baraque. Elle était fermée, la lumière sortait d’une ouverture de la galerie supérieure. Aucun mouvement ne révélait cependant la présence d’un être humain.

Sept-Épées frappa ; mais, soit que le clapotement de l’eau couvrît le bruit, soit qu’on ne voulût pas répondre, il frappa en vain. Sentant sa curiosité excitée par ce silence, et remarquant que la lumière se projetait sur un rocher planté au beau milieu de l’eau, et tout à fait en face de la fabrique, il franchit le bras du torrent sur une planche qui y était fixée, et grimpa sur le bloc de manière à voir dans l’intérieur de l’habitation. L’eau était si resserrée en cet endroit, que d’un saut hardi on eût pu la franchir.

Il vit alors distinctement un spectacle assez étrange. Un homme était seul dans ce hangar, le dos tourné à la lumière, qui se reflétait sur son front chauve et luisant. C’était un crâne élevé comme ceux des enthousiastes, mais défectueux dans la fuite du front, qui dénotait le manque de suite ou de force dans la réflexion. Il s’occupait à écrire au charbon sur le mur. Il écrivait gros et péniblement. Quand il eut fini, il se retourna, et Sept-Épées reconnut le pauvre Audebert, qui lui parut pâle avec les yeux ardens. Cet homme prit une corde, et fit lentement et avec réflexion un nœud particulier qu’il recommença plusieurs fois, après quoi il disparut.

Une idée sinistre traversa l’esprit du jeune armurier. Il regarda avec attention ce qui était écrit sur le mur, et parvint à lire ces mots, dont il est inutile de reproduire les incorrections : « Je meurs de ma main, pour la honte et le chagrin que j’ai d’avoir tout perdu. J’ai été honnête homme et courageux. Priez pour mon âme. » Sept-Épées, voyant bien qu’il avait assisté aux préparatifs d’un suicide, allait