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debout, traversant la crise tant bien que mal, que celles dont les travaux étaient à peu près achevés ou dont les principales dépenses étaient à la charge de l’état en vertu de la loi de 1842.

Pendant la période agitée qui s’étendit de 1848 à la fin de 1851, tout ce qui fut accompli en fait de chemins de fer le fut par l’état, et c’est à grand’peine si, en 1851, on put trouver, moyennant des avantages considérables, deux compagnies qui voulurent bien se charger l’une de la ligne de l’ouest, de Paris à Rennes, l’autre de celle de Lyon à Avignon. On se rappelle les embarras qu’eurent ces compagnies à se constituer : pour la première, il fallut le concours de capitalistes anglais, et pour la seconde il fallut la réunion de quelques entrepreneurs et de maîtres de forges qui se rendirent concessionnaires de la ligne d’Avignon moins pour la valeur de l’entreprise elle-même (car, malgré la subvention de 51 millions qui y était attachée, personne ne la jugeait favorablement) que parce qu’elle donnait un débouché à certaines industries, et qu’on espérait regagner d’un côté ce qu’on perdrait de l’autre.

Après le coup d’état de la fin de 1851, l’aspect changea tout à fait. Grâce au remaniement des concessions anciennes, qui furent portées à quatre-vingt-dix-neuf ans, grâce à la libéralité qui présida aux concessions nouvelles, on vit renaître une période de faveur pour les entreprises de chemins de fer, et cette fois, comme la faveur s’appuyait sur des bases plus solides, qu’elle reposait sur des avantages sérieux faits aux compagnies, elle dura plus longtemps. De 1852 à 1856, toutes les actions des entreprises françaises firent prime à leur apparition sur le marché, et quand il n’y eut plus d’entreprises françaises à créer, ou plutôt quand les actions étrangères (chemins autrichiens, lombards) arrivèrent à la Bourse de Paris concurremment avec nos entreprises, on les accueillit également avec une prime de 150 à 200 francs. Il n’y eut pas jusqu’aux chemins de fer de l’Espagne qui ne profitèrent de l’engouement général, et qui ne furent dès le début côtés au-dessus du pair.

L’année 1857 marqua le terme de cet engouement. Jusque-là on avait tout accueilli avec confiance, sans y regarder de trop près, et à l’ombre de cette confiance aveugle s’était glissée plus d’une entreprise douteuse. Quelques-unes des bonnes même avaient, par des fusions ou par des concessions nouvelles, compromis leur avenir. À partir de ce moment, on commença à voir les choses autrement. Ce fut surtout le rachat de la concession du Grand-Central par la compagnie d’Orléans et par celle de la Méditerranée qui détermina cette réaction. Dès lors on se mit à calculer avec inquiétude les charges qu’avaient prises les compagnies sans trop en mesurer l’étendue ; on se dit que les dernières concessions, qui formaient ce qu’on