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la Chine, l’indigo du Bengale, la cochenille des Canaries, l’arachide de la Sénégambie, sur lesquels se reporte de temps en temps la pensée publique, en quête de nouveautés à acclimater. La spéculation aime mieux se concentrer que se diviser, et le risque de destruction est moindre d’ailleurs avec une plante herbacée, qui fléchit sous les coups de vent et peut aisément se remplacer d’une année à l’autre, qu’avec des arbustes dont la destruction emporte la récolte de plusieurs années. En revanche, les cultures secondaires s’accommodent d’un moindre capital, et laissent beaucoup plus de jours libres pour la production des vivres, cette autre face de l’économie rurale des colonies.

En toute agriculture, la série des produits d’exportation, d’après lesquels se mesure le gain, a pour complément obligé une série parallèle de produits alimentaires destinés à l’entretien des hommes et des bestiaux. Ceux-ci, ne figurant pas dans les registres de la douane, sont moins appréciés ; ils ne sont pourtant pas moins utiles, comme l’on s’en aperçoit lorsqu’une insuffisance de vivres amène la cherté, Aussi ne doit-on pas à ces modestes denrées moins d’honneur et d’attention qu’à leurs brillantes rivales.

À Bourbon, la production des denrées alimentaires a passé par les mêmes vicissitudes que la culture commerciale. Dans les premiers temps, le blé, introduit d’Europe, semé et récolté sur place, servit de base à l’alimentation, fait bien rare dans les pays tropicaux. Le maïs et le riz étaient en partie récoltés dans l’île, en partie expédiés de Madagascar et des Indes. À ce fonds alimentaire s’est ajoutée successivement une multitude de légumes, de racines, de fruits, venus de tous les pays du monde, et primitivement cultivés, par ordre, pour les besoins des navires en relâche. À côté d’alimens dont le nom exotique, ou du moins quelque peu étranger, comme les embrevades, les cambares, les bananes, les patates, répond à nos idées sur la flore asiatique et africaine, se trouvent les ornemens les plus vulgaires de nos potagers. L’ananas mûrit près de la fraise et de la framboise. Les animaux mangent alternativement des songes ou de l’arrow-root, ou des dhams et des dhales, puis de l’avoine et du maïs.

Les fruits sont peut-être plus divers encore : on trouve à Bourbon la plupart de ceux de l’ancien et du Nouveau-Monde, presque tous acclimatés dans le beau jardin botanique de Saint-Denis, fondé au siècle dernier par Charpentier de Cossigny, sous l’inspiration de Poivre. De là ils se répandent dans les divers quartiers de l’île, aux diverses altitudes, sans rien perdre de la saveur et du parfum de leur pays d’origine. Par les arbres nous touchons aux industries qui I exploitent les diverses parties de leurs organes et de leur membrure. Le bananier et l’aloès (agave) fournissent, comme le vacoa,