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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/313

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passé. Ce nouveau parti libéral profitera des divers enseignemens que le temps nous a donnés et ne reprendra pas notre vieille consigne, si bonne qu’elle soit. Il se rattachera sans doute à nos deux grandes dates libérales, 1789 et 1830 ; mais il s’y rattachera sans superstition et sans pédanterie : il sera de son temps comme nous avons été du nôtre. N’ayant ni souvenirs ni précédens qui l’engagent, il saura voir mieux que personne quels sont les accès et les facilités de la constitution de 1852. Il s’en servira sans embarras et sans hypocrisie.

Ceux qui pouvaient penser que je ne voulais parler de la constitution de 1852 que pour en médire à mon aise, ou que je voulais tout au moins aller contre elle jusqu’où la loi me permettait d’aller, ceux-là maintenant doivent comprendre que je veux en parler plus sérieusement et plus sincèrement. Je ne reproche même pas à cette constitution d’être peu libérale, et aux corps de l’état qui l’ont pratiquée jusqu’ici, au sénat et au corps législatif, de ne l’avoir pas rendue plus libérale par la pratique qu’elle ne l’était en principe. Je dois même dire que la constitution de 1852, quoique peu libérale, l’est peut-être encore plus que ne l’est le pays depuis sept ou huit ans, et que si les corps de l’état ne se sont pas servis pour la liberté des moyens qu’ils trouvaient dans la constitution, quelque restreints que fussent ces moyens, ils se sont conformés en cela au tempérament politique du pays. On ne peut pas remuer un pays malgré lui. Supposons par exemple que le corps législatif eût voulu, depuis quatre ou cinq ans, donner à ses discussions une allure plus hardie et plus libérale, qu’il eût voulu, s’il y a des abus, les dénoncer à l’opinion publique, je suis persuadé que cette opinion publique, au lieu de savoir gré au corps législatif de sa bonne intention, n’aurait pas manqué de dire : « Bon ! voilà le retour des agitations parlementaires, voilà l’anarchie qui recommence ! » Il a fallu le régime de silence presque monastique que nous avons eu pour remettre un peu la parole en crédit. Je ne m’en prends donc pas à la constitution du silence ou de l’insignifiance qu’ont gardée pendant plusieurs années le sénat et le corps législatif ; je m’en prends aux sentimens du pays, auxquels les corps délibérans se sont conformés. L’expérience a ramené, je crois, les esprits à une plus juste appréciation des choses. Après avoir compris à l’excès les dangers de la parole, le pays et le gouvernement lui-même ont compris aussi les dangers du silence. C’est donc le moment de rechercher impartialement quels sont, selon la constitution de 1852, les moyens qu’ont les divers corps de l’état d’exprimer et de représenter l’opinion publique.