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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/458

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l’héritier présomptif, son oncle, étant fort âgé ; la maison d’Oldenbourg, désormais éteinte, devant être remplacée par le duc de Glücksbourg, que la seule diplomatie avait rapproché du trône, que la nation danoise regardait avec raison comme un prince allemand et non Scandinave, attaché par sa naissance, par son éducation, par ses alliances de famille, par ses sympathies, à la Russie et à l’Allemagne beaucoup plus qu’aux puissances occidentales, à l’absolutisme beaucoup plus qu’aux idées libérales et constitutionnelles ; — c’est au milieu de cette anarchie qu’on vit paraître à Copenhague, deux mois après la réception des étudians Scandinaves à Stockholm, en septembre 1856, le prince Charles de Suède, aujourd’hui Charles XV, alors prince royal. Aussitôt les démonstrations Scandinaves éclatèrent de nouveau. Le 16 au soir, jour de l’arrivée du prince, une promenade aux flambeaux eut lieu en son honneur. Aux discours de la députation il répondit par une harangue qu’il termina ainsi : « Dans quelques instans, ces flambeaux vont s’éteindre ; mais en moi ne s’éteindra jamais le reflet de leur lumière… Jamais le souvenir de cette soirée ne s’effacera de mon cœur. » Le roi Frédéric VII avait assisté à cette fête. Quand il se fut retiré, les acclamations et les chants redoublèrent pendant que les torches étaient réunies en faisceau, et jusqu’à ce que les flammes eussent consumé le bûcher. Le lendemain, une grande représentation de gala eut lieu au théâtre royal. Il y eut neuf hourras pour le roi de Danemark, neuf hourras pour le prince de Suède, en présence du prince Christian de Glücksbourg, silencieusement assis de l’autre côté du roi, pendant qu’on disait dans le public : « Voici le roi entre les deux prétendans ! » Bien plus, les manœuvres militaires d’automne devant se terminer le 20 septembre par un simulacre de bataille, le roi, par galanterie, remit son commandement de l’un des deux corps qui devaient combattre au prince royal de Suède ; le prince de Danemark commandait l’autre. Le programme, arrêté d’avance, assurait la victoire au premier, et les scandinavistes ne manquèrent pas, comme on pense, d’ajouter leurs commentaires et leurs présages à la situation déjà embarrassante des deux rivaux. Ils faisaient mieux encore, et un de leurs journaux, dépassant toute convenance, s’avisa, dans un article intitulé les Deux Princes, de proposer aux regards et aux sympathies du public deux portraits dont l’un trahissait un reflet visible de la dernière fête Scandinave, et dont l’autre semblait reproduire les ombres au milieu desquelles elle avait brillé.

De telles démonstrations devaient attirer nécessairement des représailles de la part du cabinet danois, moins ardent scandinaviste que les étudians de Copenhague et que le prince royal de Suède, vice-roi de Norvège. Ces représailles en suscitèrent d’autres, et donnèrent ainsi lieu à une petite comédie diplomatique. M. de Scheele,