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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/475

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d’Espagne où il avait prêché, de onze propositions qualifiées hérétiques, malsonnantes, scandaleuses, exécrables. Après cette humiliante palinodie, il fut rendu à la liberté. C’était en 1537.Pedro de Lerma se retira à Burgos, où le vit Enzinas, son neveu, qui rapporte longuement cette histoire. Le vieil athlète ne put dévorer son chagrin, et il résolut d’aller finir ses jours loin de sa patrie. Il s’embarqua pour la Flandre, et de là se rendit à Paris, où il reçut les honneurs qui étaient dus à sa réputation et à son grand âge : il était le doyen des théologiens de Sorbonne. Il mourut à Paris au mois d’août de l’année 1541. Pedro de Lerma peut être considéré comme le premier réformateur de l’Espagne, d’autant que le caractère de sa prédication se retrouve tout entier dans ses successeurs. Aucun d’eux ne se dit luthérien ; ils prêchent tous la doctrine évangélique, comme aux temps primitifs de l’église ; ils déclarent unanimement que leur foi tout entière repose sur la connaissance des Écritures, et que c’est de la Bible qu’ils tirent tout leur savoir. De même San-Roman, quand il fut arrêté à Anvers, s’écriait : « Je ne suis point luthérien, mais je fais profession de la sagesse éternelle et de la doctrine du fils de Dieu. »

Que conclure de tous ces exemples ? Que les inquisiteurs et les moines, sous le prétexte de confirmer la foi et d’entretenir l’unité de l’église en maintenant le dogme inaltérable, élevaient leur propre autorité au-dessus de celle des Écritures. C’est en vain que les chrétiens sincères s’efforçaient, en remontant à la source de la religion, c’est-à-dire à l’Évangile, de ramener les temps de la primitive église et cette liberté sans licence que pratiquait saint Paul, quand il disait en face à saint Pierre « qu’il ne marchait pas droitement selon l’Évangile, » parce qu’en s’écartant des païens convertis il semait la division dans la communauté naissante. L’inquisition redoutait à l’égal du diable cet esprit d’examen et de critique, né de la renaissance, qui déjà pénétrait de tous côtés dans les vieilles institutions. La logique de leur principe, autant que la nécessité, forçait les défenseurs de la politique romaine de repousser, de poursuivre cette curiosité dangereuse, dont on ne prévoyait que trop les effets. Au point de vue de l’autorité infaillible, la violence et la force étaient des argumens péremptoires bien plus efficaces que les disputes, car la dispute laisse toujours à l’adversaire la liberté de recommencer l’attaque, tandis que l’inquisition argumentait de telle façon qu’on ne pouvait, jamais lui répondre. Bientôt cependant il ne lui suffit plus d’ôter la parole à ses adversaires, c’est à leur vie même qu’elle s’attaqua. La période des persécutions suivit la période militante, comme celle-ci avait succédé au mouvement satirique représenté par les humanistes.

Dans un codicille dicté douze jours avant sa mort, Charles-Quint