Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/512

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et conçut même le projet, qu’il n’a pas exécuté, d’écrire un accompagnement d’orchestre pour cette mélodie sublime, qui vaut à elle seule tout un long poème. Beethoven témoigna sa reconnaissance au virtuose en composant pour lui une cantate que Wild chanta à une matinée musicale, accompagné au piano par Beethoven lui-même.

Wild quitta Vienne en 1816 ; il parcourut une partie de l’Allemagne, et après avoir chanté avec succès à Leipzig, à Berlin, Hambourg, Francfort et dans d’autres villes moins importantes, il fut engagé au théâtre de Darmstadt, qui était l’un des meilleurs de toute la confédération. Il arriva dans cette résidence au mois de novembre 1817, et fut accueilli avec une extrême faveur par le grand-duc et la masse du public. On sait que le grand-duc de Hesse-Darmstadt Louis Ier, qui est mort le 6 avril 1830, avait fait une étude approfondie de la musique. Son théâtre, qui lui coûtait des sommes considérables pour un si petit pays, était le plus beau fleuron de sa couronne, et faisait l’unique occupation de sa vie. Wild raconte d’assez curieuses anecdotes sur la discipline toute militaire avec laquelle ce petit prince traitait les musiciens et les artistes de sa cour. Il présidait lui-même à toutes les répétitions, qui avaient lieu quatre fois par semaine. Le duc, en grand costume, la poitrine chargée de croix et d’ordres militaires, se tenait debout sur le théâtre, un bâton de mesure à la main. Il était expressément défendu, dit Wild, d’étudier un morceau soit au piano, soit avec l’accompagnement du quatuor : il fallait toujours la présence de tout l’orchestre ; aussi les répétitions étaient-elles interminables et duraient-elles des mois entiers, même pour les ouvrages connus qui faisaient partie du répertoire. « La mise à l’étude de l’Olympie de Spontini, dit Wild, nous valut quatre-vingts répétitions avec orchestre et chœurs, ce qui faisait une réunion de deux cents personnes. » Le prince ne permettait pas aux chanteurs la moindre modification à la musique qu’ils étaient chargés d’interpréter. Un jour que Wild répétait Jean de Paris, il voulut transposer la romance le Troubadour, qui est écrite dans le ton de mi majeur, en mi bémol. — Si le compositeur, répliqua le duc, avait voulu que cela fût ainsi, il l’aurait marqué. Chantez la romance dans le ton où elle est écrite, ou bien laissez-la de côté. — Le prince mélomane était à la fois chef d’orchestre, régisseur, directeur et maître tout puissant de son théâtre, où il ne supportait que des sujets humbles et toujours obéissans. Ce régime finit par fatiguer Wild, et en 1824 il rompit son engagement avec le grand-duc de Hesse-Darmstadt et vint à Paris. Le ténor allemand qui ne possédait aucune des qualités vocales qu’exige la musique de Rossini et de son école, aurait voulu cependant s’essayer au Théâtre-Italien de Paris. Il ne semble pas, d’après l’autobiographie que nous a laissée Wild, qu’il ait pu réaliser son désir, bien que M. Fétis affirme le contraire dans l’article de sa Biographie universelle des Musiciens consacré à ce virtuose. Wild dit positivement qu’il n’a jamais chanté une seule fois en public, et que toute son activité d’artiste à Paris s’est bornée à paraître dans quelques salons particuliers. L’administration du Théâtre-Italien aurait bien désiré engager Wild, mais on exigeait qu’il fît un voyage en Italie, pour y étudier : pendant une année la langue du pays. Le chanteur allemand trouva la condition un peu dure pour un homme de son âge, et d’après les sages conseils