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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/54

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les plus sérieux dangers. J’ai rarement lu un récit plus dramatique que celui d’un correspondant du Times qui se trouvait à bord pendant la tempête. Toute la nuit, il fallut mettre les roues en mouvement pour lutter contre l’effrayante pression qui raidissait les ancres et menaçait sans cesse de les rompre. La jetée qui fermait le port était dominée par un phare ; longtemps elle fut assiégée par les vagues furieuses qui venaient de la haute mer ; elle céda enfin, et en un instant les immenses madriers furent balayés par les vagues. Le phare s’écroula, et la seule lumière qui éclairât cette scène de désolation fut éteinte. La pluie tombait à torrens, le vent soufflait avec une telle violence qu’il était impossible d’entendre les ordres et de se tenir sur le pont du navire ; on voyait passer de temps en temps les silhouettes sombres de quelques bâtimens en détresse que le vent poussait aux rochers de la côte. Le vaisseau géant put néanmoins résistera ce conflit des élémens ; les madriers de la jetée vinrent embarrasser ses roues et son hélice, une des ancres céda, mais au matin le bâtiment était encore à sa place, au milieu d’une mer qui commençait à se calmer et balançait sur ses vagues déjà moins puissantes les nombreux débris dont elle était jonchée.

L’escadre d’évolutions anglaise subit également l’assaut de cette épouvantable tempête, et dans l’histoire des mouvemens qu’elle exécuta on a signalé des détails météorologiques d’un très grand intérêt. La flotte avait quitté Queenstown pour faire l’exercice à feu en pleine mer ; dès que la tempête se déclara, l’amiral résolut de faire tête courageusement. Le vent atteignit bientôt une intensité effrayante, puis tout d’un coup il tomba, le ciel se découvrit et le soleil brilla quelque temps ; après cette courte éclaircie, le vent vira subitement du sud-est au côté opposé de l’horizon, et l’ouragan un moment interrompu reprit toute sa fureur. Cette série de phénomènes indique que la tempête était du genre de celles que l’on nomme tempêtes tournantes ou cyclones, véritables trombes de vent qui balaient la terre en tournant sur elles-mêmes.

M. Dove, tirant profit de toutes les descriptions connues des tempêtes tournantes, est parvenu à élucider, mieux que personne ne l’avait fait avant lui, les lois qui règlent ces grandes perturbations atmosphériques. Il attribue les tempêtes tournantes au conflit de deux grands courans aériens qui soufflent dans des directions opposées. On ne saurait mieux faire comprendre le mouvement d’une semblable tempête qu’en le comparant à ceux des danseurs qui