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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/612

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mon entrée, et dont la surprise paraissait égaler ma curiosité.

J’appris alors qu’il me devenait difficile de continuer mon voyage. La station était dépourvue pour le moment de moyens de transport. Tout ce que pouvait faire le commandant, c’était de mettre à ma disposition un cheval et une vieille selle anglaise que je voyais suspendue à une traverse ; mais il n’avait pas de mulets pour mes bagages, et surtout pas d’arriero pour m’accompagner. Il ne s’agissait du reste que d’attendre un peu, car les montures que j’avais demandées par le courrier arriveraient probablement le lendemain, à moins que le conducteur ne mît, ce qui était dans les habitudes du pays, cinq jours à faire les vingt ou vingt-cinq lieues qui nous séparaient de San-José.

J’étais donc condamné, en dépit de mon impatience, à séjourner un temps plus ou moins long dans cette station sauvage. J’en eus bien vite pris mon parti. Le commandant ne tarda pas à venir me rejoindre sous un hangar où je m’étais réfugié. Il paraissait intelligent, curieux et actif, et s’occupait de plantations et de cultures forestières, à défaut d’autres devoirs. La route de Costa-Rica par le Sarapiqui et par les montagnes du nord présente de telles difficultés qu’elle n’a jamais été une route commerciale. C’est par Punta-Arenas, sur le Pacifique, dans le beau golfe de Nicoya, que les exportations d’Europe pénètrent dans l’intérieur de la république, et que les produits indigènes, dont le café est le principal, se dirigent vers l’Europe en doublant le cap Horn. Il ne passe au Muelle que la correspondance de chaque quinzaine, apportée par les steamers de la malle royale anglaise, et quelques marchandises de petit échantillon, évaluées en poids par le commandant lui-même à environ cent tonnes par an, et qui figurent dans le relevé des douanes de 1857 pour 5,500 piastres (27,500 francs). Quant aux voyageurs, ils prennent tantôt l’une, tantôt l’autre voie, car il faut plus que du courage pour se hasarder, surtout dans la saison des pluies, à traverser les fondrières et les précipices qui mènent aux plateaux de Costa-Rica. Je ne sais si ces difficultés seront un jour vaincues, et si la république pourra épargner à son commerce extérieur les quatre cinquièmes du chemin qu’il parcourt aujourd’hui, en remplaçant Punta-Arenas par San-Juan-del-Norte, et le Pacifique par l’Atlantique ; mais je doute que la construction hardie d’une route carrossable à travers des montagnes abruptes de six ou sept mille pieds d’élévation puisse s’accomplir en dehors des travaux du canal. Concédée plusieurs fois avec de grands avantages, et notamment au colonel George Cauty, cette entreprise a toujours échoué. C’est la destinée des petits états centro-américains de ne voir sortir leur prospérité intérieure que de la satisfaction des intérêts universels. Le canal doit être pour eux ce que la découverte de l’or fut pour la Californie, le moteur de leur