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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/657

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de là résulte la disparition d’une partie des dépôts dont la présence serait indispensable pour mesurer l’ancienne extension des eaux. Ces dénudations ont été signalées par un grand nombre de géologistes ; aussi est-il impossible de ne pas faire entrer en considération la puissance d’érosion quand on cherche à reconstruire la carte de la terre aux différentes phases de la période tertiaire. M. Le Hon s’appuie de l’opinion de Beudant, d’Alcide d’Orbigny, du paléontologiste Pictet, de M. Hébert, afin d’établir que le sol porte l’empreinte d’une action diluvienne trop étendue et trop violenté pour pouvoir être expliquée par des causes semblables à celles qui agissent de nos jours. Cela posé, en tenant compte de la variation de hauteurs de la mer au-dessus des terres, qui s’opère suivant la latitude, puisque la masse fluide va en décroissant du pôle à l’équateur, il cherche à estimer les limites des rivages aux différens cataclysmes datant de la période tertiaire, suivant tour à tour l’action du départ des eaux de notre hémisphère et celle du retour des eaux venues de l’hémisphère opposé. Les mers recouvrent des contrées mises à sec depuis dix mille ans, où se sont développées une faune fet une flore nouvelles ; elles noient animaux et plantes, dont elles roulent et poussent les débris, en les mêlant à des fragmens de roches, balayant la vase des lacs et la transportant au loin.

Durant la période d’émergement de l’Europe, qui a précédé ce qu’on pourrait appeler la dernière mer boréale, période de dix mille cinq cents ans comme les autres, une faune colossale se répandit sur les terres de tout l’hémisphère nord et de l’Amérique du Sud. Je laisse parler M. Le Hon : « L’homme n’existe pas encore, et les mammifères, arrivés à leur plus haut degré de développement, remplacent les gigantesques reptiles des époques secondaires, et règnent sur le globe en dominateurs. Nos contrées sont occupées par les éléphans, les mastodontes, les rhinocéros, les hippopotames, les dinothériums, les singes, les carnassiers du genre felis, l’hyène, l’ours des cavernes, le grand cerf à bois gigantesques, le bœuf, le cheval, etc. Le continent américain est habité par l’étrange famille des mégathérides aux formes plus massives que l’éléphant, les tatous monstrueux et leur redoutable ennemi, le tigre à canines en poignard de neuf pouces de longueur. Les plaines de l’Inde nourrissent le grand sivathérium aux quatre cornes, et la tortue colossale si bien nommée colossochelys atlas. Enfin au nord de la chaîne du Thian-chan, sur les versans des monts Altaï, sur les plateaux et les plaines de l’Asie centrale, errent d’innombrables troupeaux d’éléphans couverts de laine, ainsi que le rhinocéros du nord, également pourvu d’une épaisse fourrure. » La mer, qui détruisit cette faune, a laissé de vastes dépôts dans la Campine, d’où le nom de mer campinienne