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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/945

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un département, soit en Algérie, sans jugement préalable, les citoyens reconnus judiciairement coupables de certains délits et ceux qui ont été antérieurement condamnés comme insurgés par les tribunaux militaires ou par des commissions spéciales. Toutefois la durée de cette loi est limitée au 31 mars 1865, et bien qu’elle ne soit pas révoquée, elle ne semble plus destinée à être mise en pratique.

Quoi qu’il en soit, le cours de la justice régulière n’est que rarement détourné dans notre pays, et ce ne sont pas les lois d’exception qui mettent aujourd’hui la liberté individuelle en grand péril. Les lois d’exception, quand elles sont ramenées à leur juste destination et limitées au cas de la déclaration de l’état de siège, sont légitimées par les exigences de l’ordre public menacé. Pour reconnaître combien les garanties données par nos institutions à la liberté individuelle sont souvent insuffisantes ou illusoires, ce ne sont pas les lois d’exception, c’est le code même d’instruction criminelle qu’il faut interroger, en le complétant par les lois auxquelles il se réfère. Les articles du code d’instruction criminelle, mieux que toutes les déclarations de droit, servent à déterminer quelle est la condition faite dans notre pays à la liberté du citoyen incriminé. L’intérêt qui est en jeu n’est pas celui des coupables, contre lesquels la justice ne doit point assurément rester désarmée, mais il ne faut pas confondre les coupables avec les prévenus. les prévenus ne sont pas des coupables, puisqu’ils ne sont pas encore condamnés et qu’ils attendent des juges. Ce sont, à proprement parler, des citoyens soupçonnés. Il y a plus : on peut supposer qu’un citoyen soit emprisonné, par suite d’un abus de pouvoir, sans être soupçonné d’aucune infraction à la loi. Le sort des citoyens qu’on arrête ou qu’on détient n’intéresse donc pas seulement les philanthropes, et lorsqu’il s’agit de savoir s’ils ont droit à des garanties contre la détention préventive, la question a pour tous un intérêt personnel.


I

À première vue, on pourrait encore se faire illusion, et s’imaginer que le législateur n’a négligé, en faveur de la liberté individuelle, aucune précaution compatible avec les besoins de la répression. En effet, sauf les cas de flagrant délit, il semble ne reconnaître qu’à un seul magistrat, le juge d’instruction, le droit d’ordonner la détention préventive. Il impose l’obligation d’interroger le prévenu dans les vingt-quatre heures, et de lui notifier le délit ou le crime qui lui est imputable, ainsi que la loi qui doit lui être appliqué