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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/966

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de garantie ; la détention préventive ne doit donc être autorisée que dans les cas où la justice ne peut s’en passer. Supposez que le prévenu ne soit pas intéressé à s’enfuir à raison de la faible peine qu’il peut encourir, et qu’en outre sa position sociale, ses intérêts, ses affections, soient autant de liens qui l’éloignent d’un exil volontaire, plus redoutable pour lui qu’une condamnation : comment invoquer la nécessité de l’arrêter et de le détenir ? De même, si la moralité du prévenu, le caractère du fait qui lui est imputé ne permettent pas de craindre ses menées, ses intelligences avec les témoins ou avec des complices, peut-on à bon droit exiger sa détention ? Enfin, quand même le prévenu aurait à répondre du fait le plus rigoureusement punissable, si la charge qui lui est imputée paraît, avant toute poursuite, de nature à être adoucie par l’excuse légale ou même par des circonstances atténuantes, l’interdiction de la mise en liberté est-elle justifiée ? Un mari outragé auquel le code pénal réserve expressément le bénéfice d’une excuse s’est fait lui-même une sanglante justice en frappant d’un coup mortel l’épouse adultère ou son complice. Une mère, on l’a vu naguère, a fait tuer presque sous ses yeux celui qui venait compromettre l’honneur de sa fille. Dans des cas semblables, qu’il s’agisse même d’assassinat ou de meurtre, lorsque aucune présomption d’une condamnation rigoureuse ne peut être alléguée, faut-il imposer au juge la nécessité d’ordonner la détention préventive, en ne lui permettant aucune exception à la règle ? Les traditions les plus anciennes de notre législation sont contraires à une telle rigueur.

Ainsi la détention préventive, pour être légitime, ne doit être qu’une exception au droit commun. Le législateur l’a repoussée à l’égard des prévenus de contraventions de police, qui restent libres jusqu’au jour du jugement. Le même système, avec certains tempéramens, ne saurait-il être étendu aux prévenus de délits, les délits n’étant jamais punis que d’une amende et de prison jusqu’à cinq ans au plus ? Tandis qu’aujourd’hui les prévenus de délits ne peuvent obtenir leur liberté du juge que par faveur, ils la garderaient comme un droit sous certaines conditions. D’ailleurs les prévenus de délits ne conserveraient leur liberté qu’en donnant à la justice un gage, à moins d’en être dispensés par le juge, ; ils seraient garantis contre la détention préventive moyennant caution. On reviendrait ainsi aux traditions de l’ancien droit, que le code semblait avoir confirmées et dont la jurisprudence s’est écartée. Le bienfait de la liberté sous caution pourrait sans doute comporter certaines exceptions, même à l’égard des prévenus de délits : il serait ainsi à bon droit refusé aux prévenus qui n’auraient aucun domicile, et en outre aux prévenus de certains délits reconnus plus dangereux par le