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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/98

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trône le 8 mars 1844, et le premier acte de sa royauté fut un acte de généreuse clémence envers la famille des Wasa, dont, après Charles-Jean, il était appelé à recueillir la succession.

Après la révolution de 1809, le malheureux Gustave IV avait parcouru l’Europe en maniaque et l’avait étonnée de sa triste folie. On l’avait vu, toujours épris des vaines imaginations de Jung Stilling sur l’Apocalypse, se représenter Napoléon comme l’Antéchrist, se croire encore désigné d’en haut pour arrêter le monstre dans sa marche, admirer sa chute comme un accomplissement prévu du destin, s’apitoyer ensuite sur sa captivité dernière et intervenir[1] auprès de Louis XVIII pour obtenir qu’on adoucît sa prison. Supportant lui-même impatiemment le poids de sa propre infortune, Gustave cherchait des consolations dans les mystères de la franc-maçonnerie et de l’illuminisme, dans l’évocation des ombres de ses ancêtres ou dans une activité fébrile qui le faisait apparaître aux quatre coins de l’Europe sous des vêtemens étranges, en aventurier, en soldat ou en pèlerin. La Suède n’avait pas été l’objet de ses principales préoccupations ; il avait paru l’oublier. Il avait commencé sans doute par faire remettre au congrès de Vienne une lettre où, rappelant son acte d’abdication, il avait réservé formellement les droits de son fils et exprimé l’espoir qu’il saurait les faire valoir un jour d’une manière digne de ses aïeux et de lui-même ; mais plus tard, pendant l’automne de 1817, il avait adressé à Bernadotte des félicitations sur l’habileté de son gouvernement, et lui avait en même temps exprimé ses regrets de n’avoir pu faire abdiquer son fils, qui, disait-il, de concert avec toute sa famille, lui résistait sur ce point avec une invincible obstination. Le prince Gustave, fils du dernier Wasa, fut en effet, sous la protection de l’empereur de Russie et de plusieurs cours de l’Europe, un épouvantail pour Charles-Jean à l’époque où la coalition victorieuse releva en Europe les souverains légitimes. Charles-Jean put se demander avec crainte si les puissances alliées laisseraient dans l’exil l’héritier du seul prince qui eût constamment combattu pour la cause des Bourbons, et sur le trône un ancien républicain, un soldat parvenu, un lieutenant de Napoléon ; le souvenir de ce qu’il avait fait pour la coalition le rassurait à peine. Mille bruits d’expéditions étrangères, d’intrigues et de complots venaient lui rappeler sans cesse les espérances du prétendant. L’empereur de Russie avait adopté la tutelle de ce jeune homme. En Suède, pendant les émeutes de Scanie en 1811 à propos de la conscription, son nom était dans toutes les bouches, son portrait dans toutes les cabanes. On apprit au commencement de 1820 qu’il était à Londres sous

  1. Par une lettre de mai 1817.