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De même, pour obtenir un chiffre de 300 millions de florins de recette, il a fallu maintenir sur le budget les surtaxes de guerre dont nous avons déjà présenté le tableau. Quant au papier-monnaie, plus que jamais l’Autriche est condamnée à en subir le triste usage ; le cours du florin de papier, dont le taux nominal est de 2 fr. 50 cent., perd invariablement plus du cinquième de sa valeur, et le 5 pour 100 autrichien ne parvient pas à dépasser 70 francs. Dans ces derniers temps, on a encore reparlé d’emprunt, de remaniement du système des impôts. Si désirable que soit cette mesure, elle ne réussira pas sans un violent et libre effort des populations elles-mêmes. Malheureusement rien n’indique que le gouvernement impérial trouve de ce côté le secours indispensable. La désunion intérieure devient au contraire de plus en plus profonde, et les mécontentemens populaires ont pris une intensité qui doit inspirer de vives inquiétudes. Depuis quelques mois, les querelles religieuses se sont apaisées, grâce aux amples concessions faites par l’empereur François-Joseph ; mais l’opposition, de politique, est devenue nationale. Dans la Pologne autrichienne, dans la Bohême elle-même, des prétentions singulières se produisent, et de Prague, une députation a été envoyée à l’empereur pour demander le rétablissement de l’ancien idiome. Ce qui dans certaines provinces n’apparaît que comme un symptôme peu significatif se présente dans les états du sud et de l’ouest avec un tout autre caractère. La Hongrie ne réclame plus aujourd’hui l’autonomie antérieure à 1848, solennellement jurée par Ferdinand {{1er et tous ses successeurs jusqu’au prédécesseur immédiat de l’empereur François-Joseph ; elle ne revendique rien moins qu’une existence indépendante sanctionnée par la déchéance de la maison de Habsbourg-Lorraine. Elle aspire à cet affranchissement non-seulement pour elle, mais pour la Transylvanie, la Croatie, la Voïvodie ; elle appelle à une commune résurrection les nationalités roumaine, slave et serbe. Associées à une même entreprise, ces races diverses n’offriront plus à l’Autriche la ressource de les diviser pour les vaincre. Si la rivalité subsiste encore au fond de quelques localités éloignées, comme le prouve ce qui vient de se passer à Kikinda, en Hongrie, où la populace serbe a brûlé le drapeau hongrois, la toute récente et officielle démonstration qui accueillait l’entrée à Szabadka du nouveau gouverneur-général de la Voïvodie, le général Saint-Quentin, ne permet plus de douter du rétablissement de l’entente entre les nationalités diverses de la Hongrie. Le conseil municipal de Szabadka, la plus importante ville de la contrée, a remis au gouverneur une pétition dans laquelle on demande en termes formels le retour de la Voïvodie serbe à la nationalité hongroise, dont elle a été séparée en 1848, et le rétablissement de l’ancienne constitution,