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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/1042

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ou bien elles se trouvent à une trop grande profondeur. On en est réduit, pour se procurer la pierre, à exploiter au moyen de la poudre les rochers volans, vulgairement appelés chirons. La difficulté, le prix élevé de cette exploitation, prouvent, que, là où le moellon peut se retirer des carrières, il n’y a aucun avantage à briser et extraire des terrains cultivés ces rochers du granit le plus dur. Le mètre cube de moellons obtenus au moyen de la poudre coûte 4 francs. Fendue seulement en morceaux assez petits pour être traînés hors du champ, la même pierre coûterait encore 2 francs le mètre, et certains hectares en fourniraient bien des mètres. C’est donc là un ennemi avec lequel le laboureur doit vivre longtemps encore. Un jour peut-être l’agriculture sera assez riche pour se débarrasser de cette incommode et dure population de granit. On l’exploite aujourd’hui là seulement où manquent les carrières, et à ce régime elle subsistera encore pendant bien des siècles. Tout le plateau du Bocage ne présente pas du reste cet inconvénient au même degré ; une portion du sol repose sur des schistes plus facilement exploitables. Cependant les portions les plus âpres ne le cèdent point aux autres en fertilité. Au milieu de ces rochers, la charrue fouille dans une couche de terre végétale profonde quelquefois de 50 centimètres ; là où elle est moins épaisse, le soc entame le sous-sol de sable ou d’argile maigre qui, ramené à la surface et fertilisé par l’engrais, forme pour l’avenir un terrain plus profond. Un soc long et effilé, muni d’une oreille en bois grossièrement faite, tel était il y a quelques années le seul instrument de labourage. Ce soc fendait la terre à une petite profondeur, et ce n’était que par les retours multipliés de l’instrument que la terre était suffisamment ameublie. Aujourd’hui les fortes charrues en fer, au soc large et court, que le régulateur permet de faire entrer plus ou moins profondément, sont presque partout employées. C’était une tradition jadis que le Bocage n’était qu’un pays de pâture bon tout au plus à produire du seigle et des pommes de terre ; le froment n’y était qu’une culture de luxe réservée aux jardins. Aujourd’hui le seigle y est une rareté ; dans les landes de bruyères et d’ajoncs sans cesse défrichées mûrissent les épis du froment et croissent les plantes fourragères. Ce résultat est dû principalement à deux causes : l’emploi de la chaux comme amendement et l’habile alternation des cultures.

Si, non loin des extrémités de la veine de charbon de terre qui traverse le Bocage dans sa partie méridionale et qui affleure en plusieurs points aux confins du terrain calcaire, l’on monte sur les hautes collines de Pouzauges, ou de l’Absie, on voit pendant toute la belle saison et de toutes parts s’élever dans l’air les colonnes de fumée des fours à chaux. Ces fours ne servent qu’à fabriquer le précieux amendement qui a fait de la Gâtine, pauvre et méprisée, un pays riche et productif. La chaux prise au four coûte 1 franc l’hectolitre. Les tuiliers du Bocage, qui font amener par des rouliers la pierre calcaire crue et la font cuire avec les briques et les tuiles, vendent la chaux plus de 2 francs l’hectolitre. Aussi n’en débitent-ils qu’une petite